Ce qui devait être dans l'ordre des choses s'est mué, au fil du temps, en quiproquo. Plus que jamais, l'Union du Maghreb arabe (UMA) s'enfonce dans l'incertitude, se complaisant même à jouer le jeu puéril de l'Arlésienne. L'UMA, on en parle souvent, mais elle n'est jamais là où on le croit, accentuant davantage, sinon le malaise, du moins le malentendu entourant une option, que tous les dirigeants régionaux affirment en choeur, stratégique, mais que personne ne juge, cependant, urgent de transformer en acte. Bien au contraire, d'aucuns ne semblent guère pressés de réellement donner un contenu concret à une donne politique qui déterminera le futur de ce grand ensemble géographique et humain qu'est le Grand Maghreb. Mais les choses semblent bien s'être figées au seul énoncé de l'idée unitaire sans que les uns ou les autres aient tenté de s'y investir politiquement de manière à dépasser les heurts qui, ici ou là, ont pu surgir. Dès lors, la construction de l'Union maghrébine est aujourd'hui captive des humeurs, des desiderata des uns et des autres. Ainsi, les préparatifs du septième sommet de l'UMA sont entrés dans leur phase finale, mais personne n'est, en vérité, assuré que tout le monde sera présent au rendez-vous du Sheraton Club d'Alger. En affirmant: «Si Sa Majesté ne peut participer, c'est pour des raisons qui relèvent de l'intégrité territoriale (du Maroc)», le Premier ministre marocain, Abderrahmane El-Youssoufi a jeté un pavé dans la mare, car ce n'est pas la première fois, et sans doute pas la dernière, que Rabat avancera ce prétexte spécieux, pour ne pas prendre part aux rencon-tres maghrébines, soit pour les bloquer. Le Sahara occidental est, cela ne fait pas de doute, un dossier important, autant pour les Marocains que pour les Sahraouis. Mais le contentieux étant pris en charge par le Conseil de sécurité de l'ONU, rien n'interdisait au Maroc, tant de défendre sa cause auprès des instances concernées, que, dans le même temps, contribuer à la consolidation de l'unité maghrébine. Or, Rabat a donné l'impression, ces dernières années, de freiner délibérément la mise sur pied de l'UMA, qui n'est ni la propriété de l'Algérie ni celle du Maroc, mais bien de tous les peuples maghrébins qui aspirent sans calculs à l'unité. Le dossier sahraoui est, certes, important, mais, dans le contexte propre à la construction du Maghreb, il constitue un faux problème. Il n'est jamais venu à l'idée de l'Espagne de bloquer l'Union européenne pour avoir gain de cause dans l'affaire qui l'oppose à la Grande-Bretagne à propos de Gibraltar. Ces deux Etats, membres de l'UE, font au contraire tout pour renforcer l'Union, tout en dialoguant sur leur différend. Le Maroc veut imposer à l'ONU, au peuple sahraoui, à la communauté internationale son point de vue sur ce dossier alors qu'il sait pertinemment qu'il ne peut être solutionné que par la tenue du référendum d'autodétermination (comme le prévoient les accords de Houston entre le Maroc et le Front Polisario) qui permettra aux populations sahraouies de s'exprimer, en toute transparence, sur leur devenir. C'est dire que cette question n'aurait jamais dû interférer dans la construction du Grand Maghreb qui ne peut se faire sans le Maroc ou sans l'Algérie. Mais il faudra bien que Rabat dise enfin s'il croit réellement à la construction du Grand Maghreb. Car il est patent que l'UMA a pris un retard considérable dans son édification, retard qui pénalise en priorité les peuples maghrébins auxquels on a toujours affirmé que l'avenir est dans les grands ensembles (et certes avec plus de 6 millions de km2 et 80 millions d'habitants, le Maghreb, a un poids spécifique). Mais cela demeure insuffisant si l'on perd de vue le fait que sans volonté politique, ferme et affirmée, l'Union du Maghreb restera du domaine du voeu pieux.