L'on saisit, à travers le discours du chef de l'Etat, une volonté de sa part de pratiquer le principe du linkage. Le président de la République a mis fin aux supputations portant sur une prochaine réouverture des frontières algéro-marocaines, en affirmant, à partir de Paris, que «l'ouverture des frontières demande de nombreux mois». Ainsi, les spéculations qui ont circulé ces derniers jours, notamment, après la décision d'Alger de supprimer les visas d'entrée pour les ressortissants marocains se sont avérées de la pure intox. Le premier magistrat du pays, qui aura donc le dernier mot, aborde en termes clairs le sujet, en affirmant que les relations bilatérales entre l'Algérie et le Maroc «dépendent de Sa Majesté (Mohammed VI du Maroc) et de moi». L'initiative prise par Alger, supprimant le visa d'entrée pour les Marocains, participe d'une démarche qui privilégie la politique des petits pas aux «effets de manche» spectaculaires, sans lendemain. Ainsi, l'on saisit à travers le discours du chef de l'Etat, une volonté de sa part de pratiquer le principe du linkage entre la question de la réouverture des frontières et l'assainissement de tous les différends algéro-marocains concernant notamment le dossier du Sahara occidental. Ce n'est pas à ce propos, un hasard, si le chef de l'Etat a opté pour la temporisation avant de prendre une décision finale sur le sujet des frontières. Cette hypothèse est confirmée à travers les déclarations du président de la République lors du point de presse qu'il a animé dans la cour de l'Elysée, à l'issue d'un déjeuner de travail avec le président Jacques Chirac. Il a en effet précisé que le dossier algéro-marocain contient trois grands points: «Les relations bilatérales, ça dépend de Sa Majesté (Mohammed VI du Maroc) et de moi, il y a la reconstruction du Maghreb arabe, ça dépend également de Sa Majesté et de moi, il y a le problème du Sahara occidental et ça dépend des Nations unies». C'est là une invitation on ne peut plus claire adressée au roi du Maroc à s'en tenir au plan onusien pour le règlement de la question sahraouie. Problème central qui empêche la naissance effective de l'UMA, cette question, estime le chef de l'Etat, ne devrait souffrir d'aucune ambiguïté. Aussi, comprend-on à travers les déclarations du président, qu'avant d'ouvrir les frontières, des préalables politiques et diplomatiques précèdent certainement le passage à l'acte. C'est d'ailleurs à cela que le président Bouteflika fera allusion en renvoyant la question à une échéance ultérieure, disant qu'elle «demande de nombreux mois». En fait, la normalisation effective entre l'Algérie et le Maroc interviendra, avec notamment l'abolition des frontières, lorsque le royaume chérifien se sera rendu à l'évidence en cessant de considérer Alger comme partie prenante du conflit. Le soutien au droit à l'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental constitue en fait un choix stratégique et un principe longtemps défendu par l'Algérie. Et le Maroc doit comprendre sans arrière-pensée que ce n'est jamais une flèche décochée à son adresse. Ainsi, la question du Sahara occidental, comme n'a cessé de le répéter le président Bouteflika, relève directement des instances de l'ONU. D'ailleurs, cette organisation planétaire considère le Sahara occidental comme étant aujourd'hui l'un des tout derniers territoires non indépendants. Sa décolonisation ne cesse d'ailleurs de figurer dans le calendrier de travail du Conseil de sécurité de l'ONU depuis le tout début des années 60. Pour la énième fois, le chef de l'Etat explique clairement la position de l'Algérie par rapport à cette question et invite le Maroc à travailler avec l'ONU afin de mettre un terme à cette affaire. «Nous souhaiterions qu'elle soit traitée correctement par les Nations unies et nous souhaiterions voir le Maroc travailler avec les Nations unies pour nous aider à aller plus en avant», a affirmé le président. Ainsi, les trois questions géopolitiques évoquées par le président nécessitent une mise en relation en vue de leur règlement négocié. Ce règlement devra constituer un prélude, avec d'autres préalables politiques et diplomatiques, à l'ouverture des frontières algéro-marocaines.