Entouré de centaines de milliers de titres en tout genre d'expression graphique, le visiteur épris de culture avait six jours de temps de lire. Cette année, avec 28 pays représentés (y compris l'Algérie et ses voisins du Maghreb) - ce qui fait sa véritable vocation internationale -, le Salon du livre de Paris (Porte de Versailles, hall 1) a accueilli, en invitées d'honneur, les lettres russes dont le pavillon, au décor fantastique, est niché au coeur d'une forêt de bouleaux. Dans cette ambiance d'imaginaire et sur son espace vaste de 700 m2, se sont déroulées de nombreuses manifestations: lectures, débats, signatures et rencontres «avec 42 auteurs venus révéler la puissance et le dynamisme de leur plume», et un panorama de plus de 5000 ouvrages! Le Salon n'a pu prendre que du relief avec ces statistiques éprouvées et que Serge Eyrolles, double président du Salon du livre et du Syndicat national de l'édition, rapporte en ces termes: «Au-delà des 1 250 éditeurs présents, c'est aussi avec les 2 500 écrivains qui viennent signer leurs livres et participer aux nombreux débats proposés chaque jour, que les visiteurs pourront discuter. Enfin, le carrefour international de l'Edition du Salon du livre est aussi un grand rendez-vous professionnel: le lundi, bien entendu, avec la présence assidue des libraires et des bibliothécaires, mais aussi tout au long des cinq jours à travers le stand du Bief [Bureau international de l'édition française, n.d.k.m'h.], où nous proposons des échanges entre tous les acteurs de l'édition. [...] Lieu incontournable pour la rencontre du public avec les romanciers, les philosophes, les historiens, les illustrateurs de jeunesse ou de bande dessinée, le Salon confirme son caractère de novation permanente et affirme sa vocation universaliste.» On peut souscrire à cette belle et réjouissante déclaration qui confirme les faits portés au jour, encore que le Salon ait enregistré 165.000 visiteurs contre 185.000 en 2004, soit une baisse de 10 %. Cette chute pourrait s'expliquer par le très beau temps qui, après un grand froid, a incité les Parisiens plutôt à partir en week-end ainsi que par les gros travaux qui encombrent, ici et là, l'accès à la porte de Versailles. Effectivement, au vu de l'affluence des visiteurs autour des stands, on constate que la lecture est considérée comme un des passages obligés de la formation intellectuelle et que le livre reste incontestablement l'une des principales nourritures de l'esprit. Ici, on est frappé également par le nombre de jeunes (seuls ou avec des camarades ou en groupes scolaires dirigés) que l'on voit satisfaire leur curiosité intellectuelle en allant de stand en stand feuilleter ou acheter des ouvrages, et souvent, non sans en négocier le prix, pour ne pas risquer de vider leur petite bourse. « Si les jeunes lisent, observe-t-on, cela veut dire que leur pays a de l'avenir.» Sur le plan économique, les professionnels trouvent que «le marché du livre est sain. Il est animé par des auteurs et des éditeurs qui nous assurent une production riche et variée, un peu trop même avec 50.000 nouveautés annuelles. Cette offre est fortement relayée par la presse, la radio et la télé qui garantissent une exposition réelle à la nouveauté et une promotion du livre. Le réseau de distribution est dense.» La chaîne d'éveil de l'intérêt à lire et à se former commence, bien évidemment, à l'école, dans les temples de la culture livresque des siècles, c'est-à-dire les bibliothèques scolaires, universitaires, municipales, nationales, dans les centres culturels, dans les librairies, et même dans les cercles familiaux. Mais hélas ! chez nous, acquérir un livre, lire, continue d'être une utopie; tant de privations, tant de difficultés, objectives ou non, développent regrettablement dans telle conscience une plaie ulcéreuse. Pourquoi? Peut-être y aurait-il une réponse à observer dans ce Salon international le pauvret stand de l'Algérie qui pourtant porte haut et visiblement l'emblème national. Imaginez une surface de 64 m2 regroupant une quarantaine de représentants pour 1600 titres (éditeurs publics: OPU, ENAG ; éditeurs privés : Casbah, Chihab, APIC, EDIF 2000, Le Tell, Hikma, Dalimen, Marsa, CRASC, En-Nahdha, Dar el Gharb, Dar el Houda, Berti, Baghdadi, El Amel, Pages bleues, Mag-Med, Bibliothèque verte, etc. et des libraires: El Ijtihad, Multi-Livres, Ibn Khaldoun, du Tiers Monde, Média-Plus, des Arts et des Lettres, Générale,... ; quelques auteurs en dédicaces: Mouloud Achour, Nacer Boudiaf, Roshd Djigouadi, Azziz Ferrah, Djamel Mati, Arezki Metref, Kaddour M'Hamsadji, Paul Noubleril, Catherine Rossi), accueillant de temps à autre quelques médias en reconnaissance des lieux (APS, Canal Algérie, Chaîne III, Berbère TV, Radio-France Maghreb, Télévision sans frontière, L'Expression,...), et quelques personnalités algériennes et françaises en visite privée ou officielle comme, en passage rapide, le chef du gouvernement français, Monsieur Jean-Pierre Raffarin. Néanmoins, soulignons le vif intérêt d'un public français d'opinions très diverses pour des ouvrages «qui rappellent le pays». Quant aux exposants algériens dans ce Salon, ils ont été en proie à une sorte de morosité singulière fort compréhensible d'avoir été frustrés encore une fois, faute de moyens de réaliser ce qui grandit davantage la culture algérienne, mais ils ont tous paru malgré tout bien détendus. Voire... Compliments sincères et encouragements sont à adresser spécialement à Abdallah Benadouda de Chihab Editions et, à travers lui, à tous ceux qui ont aidé à rendre plutôt viable ce stand de l'Algérie au 25e Salon du livre de Paris grâce à des rencontres fructueuses avec des professionnels du livre et à des entretiens avec des visiteurs s'intéressant à l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui. Notons enfin que Monsieur l'Ambassadeur d'Algérie en France a offert dans le stand même, si exigu qu'il ait été, un sympathique cocktail (serveuses en fin costume traditionnel et offrant boissons et pâtisserie algérienne) en l'honneur des auteurs et des exposants, - ce qui a effacé quelque peu la morosité de certains et ranimé la fierté nationale d'autres... Toutefois, ne pourrait-on pas penser dès maintenant à ce que devraient être la vitrine et le contenu du stand de l'Algérie au Salon du livre de Paris 2006 ? À l'évidence, une manifestation dans un contexte international nécessite une préparation de longue main et des moyens de représentation à la hauteur des ambitions culturelles et politiques résolues.