Une de ses affaires avait été celle dite du whisky frelaté qui avait défrayé la chronique il y a près de deux ans. Malgré toute sa bonne volonté et son souci de médiatiser l'affaire, le commissaire principal Derradji, adjoint du service central de la répression du banditisme, dépendant de la direction générale de la Sûreté nationale, éprouvait les pires difficultés pour cerner les problèmes liés à l'arrestation d'un des plus influents barons de l'importation alimentaire et agroalimentaire, le dénommé Berradi Laïd. La conférence de presse donnée par le commissaire principal Derradji au siège de l'Onrb avait pour objectif évident de médiatiser l'affaire, de faire sortir de l'ombre un hyperpuissant et hyper-influent gros bonnet d'Alger et de Tipaza, un homme qui a été assez puissant jusque-là pour défier juges, magistrats, police et gendarmerie, jusqu'au jour où la PJ se chargea exclusivement de l'affaire. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le nom de Berradi Laïb ne veut rien dire. Pour eux qui ont suivi ses pérégrinations à travers la presse, il s'agit de l'insaisissable homme d'affaires de Koléa, qui, en dix ans, gère plusieurs entreprises, possède des appartements, une villa, plusieurs véhicules, divers comptes bancaires, bateau de plaisance, jet-sky et toute la panoplie de la jet-set parvenue. Ses activités sont simples et efficaces à la fois. B. L. cible des gens âgés, sans ressources, de préférence sans aucune culture commerciale, les aide à se faire des registres du commerce. Effacé jusque-là, l'homme entre en action dès que le registre est «commerciable». Il en fait une grosse affaire d'importation, s'achète des bateaux entiers de produits d'alimentation, de fruits, et d'agroalimentaire, procède à des minorations ou a des majorations (selon ses intérêts) sur les factures, et puis après, il met fin à l'association, remet le registre à son propriétaire, moyennant quelques dizaines de millions, et se fait oublier... jusqu'à la prochaine cible. Ainsi, il reste propre, net, non impliqué, ne se mouille pas, et lorsque la police le serre d'un peu plus près, il a les pouvoirs qu'«il faut» pour en sortir indemne. Une de ses affaires avait été celle dite du whisky frelaté qui avait défrayé la chronique il y a près de deux ans, et dans laquelle il a été impliqué. Mais l'homme s'en est sorti aussi propre que du linge propre, grâce à ses accointances à tous les niveaux. D'ailleurs, à la même période, il s'est fait emprunter l'équivalent de 17 milliards chez Khalifa Bank qu'il n'a jamais remboursée. La brigade centrale de la lutte contre la délinquance financière qui a remonté la filière depuis le début, a commencé par vérifier ses manoeuvres frauduleuses à la minoration des valeurs des factures, puis s'ensuivent: chèque sans provision, sociétés écran, fausses facturations. L'enquête approfondie, qui a nécessité quatre longs mois, fait appel à la direction des douanes: celle-ci remonte la filière dont les ramifications s'implantent aussi en France, où le groupe F.L. Primeurs du groupe VGB, sis à Marseille se retrouve en amont. La PJ arrive aussi à identifier les prête-noms et des fausses déclarations afin de se soustraire aux taxes douanières. Les affaires se suivent à un rythme vertigineux, les accusations pleuvent, mais la justice ne suit pas. «Il entre par la porte et sort par la fenêtre» fulminent les chefs de la police chargée de cette affaire. L'homme semble aussi bien à l'aise dans les banques et les tribunaux que chez les douanes. Les paiements de ses factures en devises par l'intermédiaire des banques font ressortir des manoeuvres frauduleuses où la fuite des capitaux est retenue comme le moindre des préjudices. Pour une seule de ses sociétés-écran, il présente 24 milliards d'impôts impayés et une plainte avait été déposée contre une autre des sociétés écran assortie d'une amende de 71 milliards. Il y a deux jours, la PJ a trouvé qu'il était temps de lui mettre le grappin dessus, estimant qu'elle possède assez de preuves pour le jeter en prison. B. Laïd passera aujourd'hui devant le juge d'instruction, et on attend avec impatience de voir quel effet il aura, cette fois-ci, sur la justice.