Iconoclaste, Donald Trump vient encore de surprendre en créant l'évènement. Aussi peu politiquement correct que jamais, le nouveau locataire de la Maison-Blanche, vient de ratifier un décret restreignant l'immigration et interdisant l'entrée aux Etats-Unis des citoyens de sept pays musulmans. Le décret en question s'intitule mielleusement «Protection de la nation contre l'entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis». Tout un programme! Ce qui est à relever en premier lieu est que cette décision met au ban de la communauté humaine plus de 200 millions de musulmans. De fait, les premiers effets n'ont pas tardé à se faire sentir quand des centaines de musulmans originaires des pays désignés à la vindicte publique - y compris les binationaux - ont été refoulés dimanche de plusieurs aéroports en Europe et aux Etats-Unis. Haro sur les musulmans! Tous terroristes? Il faut le croire dès lors que c'est le président des puissants Etats-Unis qui le proclame [il était fier, dimanche, que son décret «marche bien», comme il le tweetait] qui a pris son bâton de rédempteur pour prémunir - prévenir? - le monde du mal. Un mal qui, selon lui, se nicherait au sein de l'islam et des pays musulmans. Ainsi, l'amalgame facile est vite fait. Il est patent que fort de sa position de dirigeant - a fortiori, de dirigeant de la première puissance mondiale - il lui est aisé de prendre les décisions les plus extrêmes, dès lors que «lui» les juge opportunes. M.Trump a ainsi cloué au pilori sept pays musulmans: Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Comme par hasard, ces pays sont également ceux qui ont le plus souffert du terrorisme et de l'ingérence des Etats-Unis ces trois dernières décennies. Or, c'est cette superpuissance qui a semé le germe du terrorisme, quand elle ne l'a pas délibérément inoculé à ces pays qui vitupèrent contre eux. C'est singulièrement le cas pour l'Irak et la Syrie. L'Iran? C'est l'un des rares pays de la planète à n'être pas touché par le terrorisme, qui n'exporte pas et n'exploite pas le terrorisme, comme le font les Etats-Unis. Par quel tour de passe-passe, ce pays se retrouve-t-il dans la liste des pays soutenant le terrorisme? Or, s'il y a un pays dans le monde qui soutient de toutes les façons le terrorisme, ce sont bien les Etats-Unis. Al Qaîda et Isis (l'acronyme anglais de Daesh) sont des créations des Etats-Unis pour contrôler les pays musulmans en général, les pays arabes en particulier. Toutefois, en signant un décret controversé, le président états-unien atteste d'une légèreté crasse et montre sa méconnaissance obtuse d'un monde [le monde musulman] qu'il ne comprend pas et d'autre part- pour ce qui est de la restriction de l'immigration - de l'histoire de son propre pays dont 98% de la population sont d'origine étrangère. C'est son cas; son grand-père, Friedrich Trump, émigra aux Etats-Unis en 1885 et avait fait fortune dans la restauration et l'hôtellerie. C'est cet héritage qui fera de l'actuel président états-unien ce qu'il est. Or, ce «rêve américain» a failli tourner court et le destin de Donald Trump s'arrêter avant même son envol. Son grand-père retourna en effet en Allemagne en 1904 pour s'y établir. Toutefois, les autorités allemandes qui l'accusaient de désertion de l'armée, l'ont expulsé du pays, le contraignant, à son corps défendant, à revenir aux Etats-Unis, ou il donna naissance à la dynastie Trump. Sans ce hasard, dû à la bureaucratie, aurait-il existé (en 2017) un président Trump descendant d'émigrés allemands? Ceci d'une part! Par ailleurs, que connaît Trump de l'islam et des musulmans? Rien, mille fois rien, si ce n'est, sans doute, les caricatures hollywoodiennes qui brocardent la foi d'un milliard et demi de musulmans. Aussi, si effectivement Trump avait eu le souci de «combattre» le terrorisme, pourquoi sanctionne-t-il les citoyens de pays qui sont les victimes du terrorisme? On aurait compris, à la limite, qu'il mette en liste noire les commanditaires du terrorisme [à l'instar de l'Arabie saoudite et du Qatar, parmi les parrains et financiers d'Al Qaîda et de Daesh], mais pas qu'il s'en prenne aux victimes de ce terrorisme qu'il prétend vouloir combattre. Certes! Mais l'Arabie, comme le Qatar, sont des partenaires stratégiques des Etats-Unis et même un Trump y réfléchirait à deux fois avant de prendre des décisions à leur encontre. Si Trump voulait éradiquer ce fléau du troisième millénaire, il lui aurait fallu se donner les moyens de le frapper à la tête: frapper ceux qui le protègent, le financent et forment ses soudards (entre autres la CIA). Comme ses prédécesseurs, Trump joue sur l'effet d'annonce et frappe à côté de la cible, ignorant les mentors et têtes pensantes du terrorisme. Il est plus facile, cependant, de mettre à l'index une religion et ses adeptes. Car, M.Trump a un pays à gérer durant quatre ans et il lui faut chaque jour prouver qu'il existe. C'est son dilemme!