L'humanité ballottée en tout sens a besoin de stabilité et les Etats-Unies d'Amérique peuvent grandement y contribuer «Un mal qui répand la terreur, La Peste Faisait aux animaux la guerre. Le Lion tint conseil, et dit: Mes chers amis Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait? Nulle offense: Je me dévouerai donc, s'il le faut - Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi.Vos scrupules font voir trop de délicatesse. Vous leur fîtes Seigneur L'Ane vint à son tour et dit: J'ai souvenance qu'en un pré de Moines passant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots, on cria haro sur le baudet. Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable! Selon que vous serez puissant ou misérable Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.» Jean de La Fontaine. Cette mise en scène d'actualité inspire la terreur, le lion se donne l'apparence d'un être doux, amical, prêt au sacrifice pour sa tribu. Il ordonne la désignation d'un bouc émissaire pour obtenir la guérison commune, il commence son autocritique sans indulgence et c'est là qu'intervient la comédie humaine de la flagornerie, l'abondance de formules flatteuses vise à flatter la vanité du roi. L'âne commet l'erreur fatale de n'avoir pas su décoder le discours du roi. Il n'a fait une erreur qu'une fois et son «crime» est une broutille. C'est là que le loup se mue en procureur et dans un réquisitoire sans concession envoie au bûcher l'âne. Les courtisans sauvés par le maillon faible abondent à qui mieux mieux. L'âne va expier et la morale est là. Malheur à celui qui dérange l'ordre établi par les puissants. La comédie humaine devant les puissants Mutatis mutandis nous vivons la situation de ces animaux. On aura tout dit de Trump qui, pour la première fois dans l'historie récente, est attaqué par les médias qui continuent à lui être hostiles, même après son élection remise en cause à la fois d'une façon marginale aux Etats-Unis, mais surtout d'une façon incompréhensible par les médias européens qui se sentent pousser du zèle. On parle même de «sécession» de la Californie (Calxit). C'est dire si ces novices prennent leurs désirs pour des réalités en enfourchant cette idée qui insinue que les Etats-Unis rejoignent la cohorte des républiques bananières qui votent avec des scores brejnéviens? Ayant toujours deux fers au feu, comme un seul homme, tous les pays européens - les vassaux alliés - et les autres ont fait preuve d'une allégeance en rase campagne après avoir dénigré jusqu'à plus soif le candidat Trump. Tous les pays arabes ont fait leur allégeance et se déclarent impatients de travailler avec le président Trump. Poutine et la Chine se disent prêts à restaurer leurs relations avec les Etats-Unis. Pourquoi Trump a gagné? Le réalisateur Michael Moore a été l'un des devins à avoir prédit l'élection de Trump, il avance cinq raisons: «Je suis désolé, écrit-il, d'être le porteur de mauvaises nouvelles (...). Donald J. Trump va remporter l'élection du mois de novembre (....). Je vous observe attentivement en ce moment. Vous agitez la tête en disant: «Non Mike, ça n'arrivera pas!». Malheureusement, vous vivez dans une bulle. Ou plutôt dans une grande caisse de résonance capable de vous convaincre, vous et vos amis, que les Américains n'éliront pas cet idiot de Trump. Vous alternez entre la consternation et la tentation de tourner au ridicule son plus récent commentaire, lorsque ce n'est pas son attitude narcissique. Par la suite, vous écoutez Hillary et envisagez la possibilité que nous ayons pour la première fois une femme à la présidence (...). Des millions de gens seront tentés de devenir marionnettistes et de choisir Trump dans le seul but de brouiller les cartes et voir ce qui arrivera.» (1) «Voici les cinq raisons pour lesquelles Trump va gagner: 1. Le poids électoral du Midwest, ou le Brexit de la Ceinture de rouille. «Cela dit, notre plus grand problème n'est pas Trump, mais bien Hillary. Elle est très impopulaire. Près de 70% des électeurs la considèrent comme malhonnête ou peu fiable.» 2. Le dernier tour de piste des Hommes blancs en colère 3. Hillary est un problème en elle-même Les jeunes n'ont aucune tolérance pour les discours qui sonnent faux. 4. Les partisans désabusés de Bernie Sanders 5. L'effet Jesse Ventura. Vous vous souvenez de 1998, année où un lutteur professionnel est devenu gouverneur du Minnesota? Le Minnesota est l'un des Etats les plus intelligents du pays, et ses citoyens ont un sens de l'humour assez particulier (...). Elire Ventura a été leur manière de se moquer d'un système malade. La même chose risque de se produire avec Trump». (1) La victoire de Trump est de la faute d'Obama Il fallait bien expliquer cette victoire inexplicable! Le bouc émissaire serait Obama! Pour Claude Jacqueline Herdhui: «Depuis le 11 septembre, écrit-elle, les Etats-Unis n'ont fait qu'augmenter les barrières entre les individus. Au nom de la sécurité, ils ont divisé le peuple américain pour mieux stigmatiser l'ennemi. Mais quel ennemi? Les dangereux musulmans d'abord. Rien de plus facile après les attentats du 11 septembre 2001. Le gouvernement américain a su utiliser avec brio la peur légitime de ses citoyens et citoyennes. Comme le disait Amy Goodman dans une entrevue: «Le gouvernement est très fort pour instiller la peur» (...). La victoire de Trump est la victoire de la peur. La population blanche normale est victime de sa peur et de ses préjugés. Peur de la différence, peur de perdre ses acquis. Mais quels acquis? Le droit de travailler pour un salaire minimum ridicule, de payer des sommes astronomiques pour obtenir des soins de santé, sans parler du droit à l'éducation sous le signe du dollar. Aux Etats-Unis, sans argent on n'est pas grand-chose. Trump, le milliardaire fait rêver. Il incarne à lui seul le rêve américain: immensément riche, il peut tout se permettre. Donald Trump doit sa victoire non pas à ses compétences politiques, mais à son arrogance. Cette arrogance il l'achète avec son immense fortune (...). Le gouvernement de Barack Obama a une grande responsabilité dans la victoire des républicains. Il a contribué à maintenir un climat de peur aux Etats-Unis. Au nom de la démocratie et de la lutte contre le terrorisme, il a permis des interventions qui ont fait, directement ou indirectement, des millions de victimes musulmanes dont on parle très peu. Il a armé Al Qaîda. Il a bombardé sept pays musulmans. Il a prévu d'investir un billion de dollars au cours des 30 prochaines années pour augmenter l'arsenal d'armes nucléaires américain. Il a autorisé la surveillance des citoyens et des citoyennes au nom de la sécurité. Il a autorisé des milliers de déportations, entre autres.» (2) La faute à l'Europe? A l'autre bout du curseur même appréciation de Christian Makarian. La victoire du candidat républicain à la présidentielle américaine n'est pas sans rappeler le repli identitaire vécu dans certains pays européens (...). La victoire de Donald Trump sonne comme le symptôme suprême d'un pays malade. Les Etats-Unis, loin de se montrer «great again», viennent de faire une démonstration de rétrécissement: comme en Europe (Royaume-Uni, Hongrie, Pays-Bas...), les électeurs affirment haut et fort leur peur face à la mondialisation, leur méfiance à l'égard de l'étranger et du monde extérieur, leur désir de sanctionner les dirigeants (mais aussi les médias, les instituts de sondage, les experts attitrés de la «bien-pensance»...), leur croyance en la nécessité de ramener les grandes décisions à l'échelon national même si cela n'a plus grand sens face aux grands défis internationaux. Comme en Europe, les partis politiques traditionnels sont bousculés, les élites durement secouées, les classes moyennes pressées d'exprimer leur accablement, les comportements électoraux imprévisibles, les codes du langage politique jetés par-dessus bord. La «maladie» américaine n'est donc pas à proprement parler économique, ni technologique! Ce ne sont pas les ouvriers dévalorisés de la «Rust Belt» (la «ceinture de rouille», l'ancienne région productrice de métallurgie) qui auront suffi à faire élire le magnat de l'immobilier. La maladie des Etats-Unis est morale, elle est sociale, elle est sociétale. Les lourds tracas de la vie quotidienne, le déclassement de millions et de millions d'individus, la perte d'un objectif collectif, l'accumulation des échecs extérieurs conjuguée à la doctrine d'intervention passive d'Obama, ont pris possession des esprits et engendré une angoisse.» (3) En fait, comme l'écrit Georges Gastaud, Trump surfe sur les peurs martelées par les idéologues et en a fait un hold-up pour sa cause: «Comme le Brexit en Angleterre, la victoire de Trump aux présidentielles états-unienne a pris de court la caste médiatique qui, droite néo-thatchérienne et «gauche» bobo unies, refuse d'entendre l'immense clameur des peuples, et d'abord, du monde du travail, contre le néolibéralisme mondial et ses immenses dégâts sur les acquis sociaux, la paix, la démocratie et la souveraineté des peuples. Bien entendu, Trump ne fait que dévoyer dans un sens fascisant cette légitime aspiration des peuples au progrès, à la solidarité et à la sécurité intérieure et extérieure. D'une autre façon que le libre-échangisme cultivé jusqu'au bout par Obama et Clinton, le protectionnisme bourgeois proposé par Trump représente lui aussi à terme un grave danger pour la paix mondiale. (...).» (4) Donald Trump - Andrew Jackson: la continuité? Beaucoup d'analystes avancent que l'élection de Trump n'est pas une singularité. Dans l'histoire il y eut des similitudes. Certains commentateurs voient en la victoire de Donald Trump un bégaiement de l'Histoire. C'est le cas de l'analogie avec le président Andrew Jackson. Celui-ci est le premier président des Etats-Unis d'extraction modeste. C'est aussi un self made man énergique et fonceur, impétueux et même brutal. Il avait 61 ans quand il est élu une première fois à la Maison-Blanche en 1828. Jackson défend les droits des Etats et engage la lutte contre la finance de New York. Pour le New York Times, il y a une étroite corrélation entre le comportement de Donald Trump et de Andrew Jackson. Nous lisons: «(...) La rhétorique de M.Trump résonne avec une tradition politique américaine particulière. M.Trump a fait exactement cela en émulant un modèle classique de leadership démocratique américain. (...). Consciemment ou non, la campagne de M.Trump fait écho au style de Andrew Jackson, et les Etats où M.Trump est le plus fort sont ceux qui ont le plus constamment favorisé Jackson au cours de ses trois campagnes pour la Maison-Blanche (...). Jackson a fait son nom à Nashville, sur ce qui était alors la frontière. Durant la guerre de 1812, il a gagné la bataille de la Nouvelle-Orléans, qui a fait de lui une célébrité nationale faite (...). Jackson a capturé l'imagination des citoyens ordinaires qui n'avaient jamais voté de cette façon. Il a écrasé ses rivaux qui le considéraient comme une brute, barbare et même un danger pour la République. Jackson avait un style captivant, et non pas seulement à cause de ses cheveux sauvages. Il a fait ce qu'il voulait et a exigé le respect. Dans un duel en 1806, il a tiré et tué un homme qui l'avait insulté dans un journal (...). La proposition de M.Trump pour un «arrêt total et complet» des musulmans qui entrent aux Etats-Unis jusqu'à ce que le gouvernement «peut comprendre ce qui se passe» a une simplicité brutale qui fait écho à Jackson. Il en va de sa promesse de forcer le Mexique à payer pour un mur de la frontière. Les gens qui ont les faveurs M.Trump doivent être protégés de tout mal. Personne d'autre ne compte.» (5) Ronald Reagan, Donald Trump, même combat? Un autre président précurseur serait Ronald Reagan. Beaucoup de choses distinguent les deux présidents des Etats-Unis. Donald Trump fait peur. Son discours très agressif contre les minorités, les pays étrangers, effraie. Des moqueries, Ronald Reagan, le 40e président des Etats-Unis, en a également subi un certain nombre avant son accession au pouvoir. Un «cow boy de pacotille «, «un clown», «un acteur de série B». Ainsi était dépeint le candidat républicain élu en 1980 et réélu en 1984 comme le rappelle l'historienne Françoise Coste* dans une biographie consacrée à Ronald Reagan (...). Considérer que «Make america great again» de Donald Trump s'inspire du «America is back» de Ronald Reagan est une erreur. Peu de points communs entre les programmes. En effet, leurs programmes respectifs ont très peu de points communs. Le principal? Une baisse massive de la pression fiscale pesant sur les ménages, en particulier les hauts revenus (...). Construire un mur pour limiter l'immigration mexicaine, dénoncer les accords de libre-échange, relever les quotas et les tarifs douaniers pour limiter les importations de produits fabriqués en Chine semblent difficilement compatibles avec un retour de la croissance. A moins que les Etats-Unis fassent la preuve que l'isolationnisme encourage l'innovation et la création de richesses.» (6) Que va faire Trump au Moyen-Orient? «Le président élu est un véritable ami de l'Etat d'Israël et je suis impatient de travailler avec lui en faveur de la sécurité, la stabilité et la paix dans notre région», a dit le Premier ministre israélien. L'Irak dit attendre «un soutien continu (...) des Etats-Unis (dans) sa lutte contre le terrorisme», a dit le président irakien Abadi. Au vu de l'animosité d'Israël envers l'Iran, il n'existe aucune garantie pour que le nouveau locataire de la Maison-Blanche ne revienne sur cet accord, d'autant que le processus de sa mise en oeuvre est toujours en cours. La Turquie, dit espérer voir l'«alliance avec les Etats-Unis (...) se poursuivre et que notre partenariat et nos relations vont se développer». Face à un Orient compliqué, aurait dit le général de Gaulle, les idées simples ne suffisent pas. Donald Trump n'entend pas bouleverser fondamentalement cette «logique» d'Obama. Actuellement en cours, la bataille de Mossoul sera sans doute achevée avant sa prise de fonctions, le 20 janvier 2017. En Syrie il semblerait que le président laissera faire en confiant le dossier à Poutine. Trump veut faire gérer le conflit syrien par la Russie, qui est selon lui «mieux placée» (sic) pour régler cette question. Trump ordonnera-t-il le retrait du soutien aérien aux forces kurdes et arabes qui se battent contre l'Etat islamique au nord de la Syrie? Autant de questions qui attendent des réponses. Les prochains mois seront riches en évènements et il est très possible que le président Trump conscient de son rôle et de celui de l'Amérique puisse revenir à plus de pondération dans un monde qui après avoir essayé toutes les aventures en solitaire depuis la chute de l'implosion de l'empire soviétique comprenne qu'il y a de la place pour tout le monde et que l'humanité ballottée en tout sens a besoin de stabilité. Amen. 1.http://www.huffingtonpost.fr/michael-moore/cinq-raisons-pour-lesquelles-trump-va-gagner/ 2.http://www.mondialisation.ca/la-victoire-de-trump-a-ete-preparee-par-obama/5556098 3. Christian Makarian http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/donald-trump-le-syndrome-europeen-de-l-amerique_1848775.html 4.https://www.legrandsoir.info/l-avertissement-trump.html 5.http://www.nytimes.com/2016/02/17/opinion/campaign-stops/donald-trumps-secret-channelling-andrew-jackson.html?_r=0 6.Fabien Piliu http://www.latribune.fr/economie/international/ronald-reagan-donald-trump-meme-combat-615297.html