Smaïl Hamdani a été Premier ministre successivement de Liamine Zéroual puis de Abdelaziz Bouteflika «Une homme politique pense aux prochaines élections. Un homme d'Etat pense aux prochaines générations.» Monsieur Smaïl Hamdani s'est éteint doucement dignement sans faire de bruit On aura tout dit du riche parcours de Smaïl Hamdani, haut fonctionnaire diplomatique. Un digne haut fonctionnaire de l' Etat. Il était connu pour son érudition et son honnêteté intellectuelle. Selon sa biographie officielle, Ismaïl Hamdani est né en 1930 à Bordj Bou Arréridj. Il a fait ses études à la médersa d'Alger, qui était une pépinière des futurs diplomates et hauts fonctionnaires de l'Algérie indépendante. Smaïl Hamdani a commencé à occuper des postes de responsabilité en 1962. Ainsi, il a été conseiller juridique du ministre de l'Information (1962-1963), (1964-1970); directeur des affaires juridiques et consulaires du ministère des Affaires étrangères 1970/3-1977 secrétaire général adjoint à la Présidence du conseil. secrétaire général du gouvernement (1977-1979) et conseiller à la présidence de la République 1979-1980; secrétaire général du gouvernement, ayant le grade de ministre. (1980-1983). Ce diplomate de carrière a été plusieurs fois ambassadeur au Danemark, en Norvège et en Finlande (1983-1984), en Espagne (1984-1985); 1985-1989; secrétaire général du ministère des Affaires étrangères... Il sera ensuite ambassadeur en France de 1989 à 1992. Smaïl Hamdani a été Premier ministre successivement de Liamine Zéroual puis de Abdelaziz Bouteflika, du 15 décembre 1998 au 23 décembre 1999. Outre ses responsabilités au sein de l'Etat, Smaïl Hamdani s'est également distingué par son travail au sein de l'Association algérienne des relations internationales (Aari). C'est d'ailleurs en tant que personnalité nationale et président de l'Aari qu'il a été invité aux consultations sur la révision constitutionnelle en 2011. Il avait aussi plaidé pour la séparation de la politique du monde des affaires et à lutter contre la corruption. Smaïl Hamdani était un fervent défenseur d'un système politique «ni entièrement présidentiel ni entièrement parlementaire, mais qui garantit un équilibre entre les deux». Des propositions qui ne semblent pas avoir été prises en charge dans la nouvelle Constitution adoptée, comme par hasard, le 7 février 2016. Les hommages Les personnalités présentes aux obsèques se sont accordées à dresser un portrait élogieux du défunt, considéré par tous comme un ́ ́homme mesuré et pétri de talents ́ ́. Ce témoignage d'un Algérien internaute me paraît situer honnêtement le personnage: «Il est si rare qu'un homme puisse réunir ce que le défunt recelait dans un parcours si riche et si éclectique. Médersien, parfait bilingue, homme de culture, responsable politique au panache et à l'élégance dans les attitudes. Réservé, il n'est pas descendu dans l'arène de la médiocrité non plus, celle, plus délétère de la rancoeur. Il a su ne pas stipendier et faire preuve de la nuance idoine sans entrer en adversité. Mélomane intarissable, il a vécu la symphonie de la vie dans ses noubate en acceptant ce qui est. Sans le bémol de la condescendance ni le dièse de la pédanterie. Que sa famille en ses moments douloureux puisse accepter les décisions de Dieu. Et qu'elle s'enorgueillisse de ses attitudes dont nombre de personnes devraient en méditer le sens. Paix à son âme et pérenne soit son souvenir.» Dans l'interview du diplomate Lakhdar Brahimi réalisé par Mohamed Cherif Mesbah, nous découvrons en creux, le parcours de Smaïl Hamdani, dans ces années cinquante au sein de la médersa d'Alger. Monsieur Brahimi parle de la vénération qu'il avait avec son condisciple envers leurs professeurs: «C'est à partir de 1953 qu'une nouvelle réforme affubla les Medersas du nom de Lycées d'enseignement franco-musulman. On bâtira aussi un nouvel édifice pour la médersa d'Alger, à Ben Aknoun, qui porte aujourd'hui le nom de Lycée Amara Rachid. L'ancien bâtiment, à côté de la mosquée Sidi-Abderrahmane, au haut de la Casbah, fut réservé aux filles. Il y avait aussi, à l'époque, l'Institut des Hautes Etudes islamiques où les diplômés de la Medersa allaient poursuivre leur formation, s'ils n'optaient pas pour une carrière immédiate dans la Fonction publique. Les étudiants du nouveau régime, encouragés, notamment, par un professeur de mathématiques qui eut une très grosse influence sur nous tous, Abdelaziz Ouabdesslam, commençaient à tenter de passer le baccalauréat français en candidats libres. C'est ce que fit, par exemple, Smaïl Hamdani. Je fis la même chose moi-même et bien d'autres camarades aussi. La Medersa donnait une solide formation en arabe, en plus d'une formation en français à peu près similaire à celle que dispensaient les autres établissements secondaires français. Je pense que l'autre avantage des médersas était du moins avant la période du franco-musulman - le nombre restreint d'élèves par promotion et l'âge relativement plus mûr parmi ces élèves.» (1) Monsieur Brahimi parle de la référence et de l'exemplarité de leurs enseignants: «En effet, ce sont nos professeurs algériens qui ont marqué nos esprits de manière durable. J'ai déjà parlé du professeur de Mathématiques, Abdelaziz Ouabdesslam,. Après l'indépendance, il ira diriger l'Ecole polytechnique El-Harrach.Il en fit un établissement de qualité, malgré les difficultés énormes de l'époque. Je le revois de temps à autre, avec un plaisir égal, et je l'écoute avec le même respect et la même admiration. Nos professeurs nous connaissaient donc intimement et s'intéressaient à chacun d'entre nous. Ils étaient sévères, mais justes. Nous les respections et nous les admirions. Envers certains d'entre eux, nous ressentions une réelle affection, peut-être même de la vénération. Ils étaient désireux de partager leur savoir avec nous et nous étions tout aussi désireux d'apprendre à leur école. En est-il de même aujourd'hui?» (1) «C'est à la médersa aussi que la prise de conscience politique va s'aiguiser: certains de nos camarades étaient déjà des militants structurés, généralement au Mtld, peut-être pour quelques-uns à l'Udma, mais j'en doute. C'est à l'université que l'on trouvera des Udmistes et des communistes.» (1) A une question de Mohamed Cherif Mesbah sur le fait s'il existait un processus de mûrissement politique chez les jeunes m»dersiens, prélude à l'engagement militant, Lakhdar Brahimi poursuit: «Oui, sans doute. Le professeur Ouabdesslam, notre professeur de mathématiques, me dira beaucoup plus tard, que durant ces années qui avaient précédé le 1er Novembre, nous avions l'impression, en vous regardant tous à la Médersa, que des évènements importants, porteurs de changement, allaient se passer incessamment.» (...) «La création de l'Ugema s'était faite dans une perspective de lutte. De manière naturelle presque, insensiblement, mais rapidement, l'Ugema devient l'expression de l'effort national dans le milieu estudiantin. Très vite les lycéens formeront à Alger leur propre organisation au sein de laquelle Amara Rachid et d'autres médersiens allaient briller avant de consentir le sacrifice suprême au maquis. La grève des cours et des examens décidée à Alger par la direction clandestine du FLN, en coordination avec les étudiants et les lycéens, est annoncée le 19 Mai 1956. Les étudiants vont alors s'intégrer publiquement au sein du FLN et de l'ALN. L'Ugema devient, sur le plan international, le visage de la communauté combattante estudiantine.» (1) C'était en fait un bouillon de culture qui devait déboucher sur la glorieuse Révolution de Novembre où les intellectuels eurent aussi leur part du feu et leur parcelle de gloire. Qu'on se souvienne à titre d'exemple du travail titanesque qu'a réalisé la délégation algérienne à l'ONU pour rendre visible la question algérienne! Avec des moyens dérisoires, l'inscription de la question algérienne à l'Assemblée des Nations unies donnait une aura importante qui ne diminue en rien naturellement le sacrifice physique des moudjahidine. Seulement, nous devons nous convaincre que la révolution de Novembre a été portée par toutes les composantes du peuple algérien, cela va du simple citoyen qui lutte pour survivre au moussebel, au maquisard, mais aussi aux diplomates, aux footballeurs, de l'Equipe du FLN aux blouses blanches et aussi aux hommes de théâtre et des médias dont Boumediene a pu dire qu'ils ont été aussi déterminants dans la victoire.» La conscience de politique à la médersa Bien plus tard, on connaît le parcours brillant de Lakhdar Brahimi qui donna ses lettres de noblesse à la diplomatie algérienne. Smaïl Hamdani lui aussi participa à cette épopée de la construction d'un Etat. A moins de 40 ans il était secrétaire général adjoint à la Présidence du temps du président Boumediene et ce n'est pas rien! On peut chercher les domaines qui n'ont pas été conquis - au sens noble- par ce diplomate au long cours qui aura toujours à coeur de répondre présent à toutes les tâches qu'il a assumées avec brio. Il participa même à la Charte nationale des années 1970. Bien plus tard, il fit des propositions à la révision de la nouvelle Constitution de 2011 avec toujours le même fair-play, pas un mot plus haut que l'autre. Il sera aussi enseignant à l'Ecole nationale d'administration vivier de la formation des hauts fonctionnaires. Une élégance et une compétence qu'il a acquise durant sa formation, mais qu'il a ensuite bonifiée au fil du temps. Il est en effet tétra-lingue (arabe, français, anglais, espagnol) sans compter naturellement sa langue maternelle Ce besoin de servir il l'a mis en pratique en créant l'Association des relations internationales. Il portait la bonne parole quand on l'invitait à la donner. J'ai connu Smaïl Hamdani il y a une trentaine d'années, et c'est à cette occasion que j'ai appris que nous étions nés dans la même ville. Il était à l'époque en 1989-90 secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, j'occupais la même fonction à l'Enseignement supérieur. Bien Plus tard après qu'il se soit retiré de la vie politique je l'invitais à la journée sur l'Energie du 16 avril, il nous faisait l'amitié non seulement de venir écouter les élèves ingénieurs, mais aussi d'intervenir dans le débat et la Journée se clôturait par une véritable leçon qu'il donnait aux élèves sur leur mission, leur responsabilité de faire en sorte que l'Algérie garde toujours son rang et pour cela il exhortait au savoir, à la connaissance seule défense immunitaire du pays. Les élèves l'entouraient et, il prenait beaucoup de plaisir à discuter avec eux et à nous raconter les conditions difficiles dans lesquelles les jeunes de sa génération ont évolué. Lui aussi nous parlait d'un certain professeur Ouabdesselam en invitant les étudiants à suivre ce modèle de probité, de savoir, de tolérance en un mot, de dignité.J'ai eu aussi l'immense honneur d'avoir une préface de sa part pour l'ouvrage: Le Calvaire palestinien Le livre noir du sionisme édité aux éditions Casbah en 2012. Il écrivait notamment: «Le professeur Chitour me donne l'opportunité de préciser en tant qu'observateur de la scène politique internationale, mon point de vue sur le problème palestinien et l'idéologie du sionisme. (...) Le Judaïsme a représenté et représente une haute spiritualité monothéiste et abrahamique. (...) On assiste, il faut le regretter, de plus en plus à sa militarisation, ce qui est une grave perversion qui risque de faire perdre au judaïsme son âme. Nous espérons et nous appelons de tous nos voeux à un réveil de la conscience humaine qui arrêtera la démarche suicidaire et guerrière de la politique israélienne. (...) L'existence d'Israël dans ses frontières de 1967 n'est pas contestée par les Palestiniens, depuis le congrès d'Alger en 1988 (...) Les dirigeants occidentaux américains et européens devraient revenir à une saine application du droit international en considérant que ce n'est pas Israël, puissance nucléaire qui est menacée, mais que la situation est inverse. L'occupation est une violence qui appelle à la résistance. Ce retour à une juste vision des choses est de nature à tracer le chemin de la paix dans la région si tel est le but recherché par Israël (...)» (2) Voilà le personnage que vient de perdre l'Algérie. A bien des égards, nous sommes orphelins par la perte inexorable de repères dans cette nuit de l'intellect. Au moment où le microcosme politique s ́agite en vue d ́élections- sans programme aucun- pour désigner des «élus»-, ce terme a une connotation biblique, et on comprend les empoignades pour le devenir, il serait indiqué de rendre un hommage appuyé à toutes ces vraies lumières, mais qui ont tant fait pour le pays. Seule la morale, l'éthique et la compétence, véritables ceintures de sécurité et seules défenses immunitaires pour le pays, quand la rente ne sera plus là. Paix à votre âme si Smaïl 1.Entretien avec Lakhdar Brahimi mené par Mohamed Cherif Mesbah http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/06/30/print-30-55646.php 2. Smaïl Hamdani Extrait de la préface de l'ouvrage du professeur Chitour «le calvaire palestinien» Ed. Casbah 2012