L'énième rencontre entre le président américain et le Premier ministre israélien n'a rien apporté de nouveau. Comme il fallait s'y attendre, rien de substantiel n'est sorti du douzième rendez-vous entre George W.Bush et le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, reçu par le président américain dans son ranch de Crawford au Texas. Le processus de paix au Proche-Orient bute depuis toujours sur la question des colonies et la conception que se font les Etats-Unis d'un Etat palestinien «viable». En effet, le président américain, George W. Bush, a déclaré qu'il était «irréaliste» d'envisager un retour aux frontières de 1949 pour l'Etat d'Israël, ce qui suppose l'évacuation des grandes colonies de Cisjordanie. Or, les grandes colonies comme Maalé Adoumim, Ariel, ou Kyriet Arba - construite en plein coeur de la ville palestinienne d'El Khalil (Hébron) - datent toutes de l'occupation de 1967. En réitérant qu'il est «irréaliste» de vouloir retourner aux «frontières de 1949», M.Bush feint ainsi de croire, ou faire croire, que les Palestiniens réclament l'impossible. Or, il n'a jamais été question de retourner aux frontières du partage de 1947, mais à la ligne verte, ou ligne de démarcation, de 1967 qui tenait lieu de frontière entre Israël et les territoires palestiniens. Ce que les Palestiniens n'ont cessé de répéter. Cela implique, entre autres, le démantèlement de toutes les colonies - illégales au regard du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU sur le contentieux israélo-palestinien - construites sur les territoires palestiniens occupés depuis la guerre de juin 1967. M.Bush, dans une déclaration après sa rencontre avec son hôte israélien, a dit: «J'ai fait part au Premier ministre (Ariel Sharon) de mon souci de ne pas voir Israël prendre des initiatives qui contredisent ses obligations à l'égard de la Feuille de route et portent atteinte au statut final des négociations», affirmant: «En conséquence, Israël doit démanteler les implantations ‘'illégales'' et respecter ses obligations à l'égard de la Feuille de route en ce qui concerne les colonies en Cisjordanie». Or, qu'entend le président américain par colonies ‘'illégales'' quand toutes les colonies qui ont vu le jour en Cisjordanie, depuis 1967, sont en fait illégales, que le «mur», qu'édifie en profondeur Israël dans les territoires palestiniens, (illégal selon la Cour internationale de justice, CIJ), que le retrait unilatéral de Gaza, (Israël s'arrogeant ainsi le droit de décider seul du futur statut de l'Etat palestinien) sont autant «d'initiatives qui contredisent» les obligations d'Israël envers la «Feuille de route», plan de paix international, élaboré par le quartette (USA, ONU, Union européenne et Russie), prévoyant, à terme, la création de l'Etat palestinien, et n'ayant toujours pas eu d'application concrète. Bien au contraire, le prochain désengagement unilatéral israélien de la bande de Gaza, a toutes les allures d'un piège, conçu par le Premier ministre israélien Ariel Sharon, sans consultation avec les Palestiniens ni avec les Nations unies et dans des conditions qui sont loin de rassurer sur la suite du processus de retrait d'Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. De fait, observateurs et analystes ne cachent pas leurs craintes de voir Israël, s'en tenir au seul retrait de Gaza, estimant avoir honoré ses «obligations» envers le processus de paix. Or, le retrait de Gaza sera effectué en dehors de la «Feuille de route». Au moment où Israël conforte sa présence en Cisjordanie par un plan d'expansion de ses colonies, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, demande encore plus aux Palestiniens, déclarant à la presse: «Aussi longtemps que les Palestiniens ne prendront pas les mesures nécessaires, il n'y aura pas de relance de la feuille de route». Ainsi, d'un côté, Sharon exige «un arrêt total du terrorisme» et de l'autre, il donne son feu vert à la construction de 3500 nouveaux logements dans la colonie de Maalé Adoumim. Or, il y a une relation étroite entre la présence des colonies dans les territoires palestiniens et la persistance de la résistance palestinienne qu'Israël s'évertue à qualifier de «terrorisme». Aussi, la rencontre au Texas entre MM. Bush et Sharon n'a pas répondu aux attentes, Américains et Israéliens semblant se partager les rôles, le président américain se montrant très conciliant, tout en faisant montre d'une fausse fermeté, envers Israël, comme son insolite persistance à évoquer 1949, quand tout le monde s'attendait à ce qu'il fasse valoir aux Israéliens que la ligne verte de 1967 tenait bien lieu de frontière entre les deux communautés, conformément aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU qui exigent qu'Israël se retire au-delà de la ligne verte, ligne de démarcation de partage existante au 4 juin 1967 avant la guerre du 5 juin de la même année. Contrairement donc à ce que laisse croire M. Bush, les Palestiniens n'ont à aucun moment demandé un retour à la situation de l949, mais bien à celle de 1967. Même le président de l'hyperpuissance mondiale doit pouvoir comprendre cela. De fait, les Palestiniens ont immédiatement réagi au propos du président Bush, réfutant son argumentation et sa tentative de «légitimer» la colonisation juive en Cisjordanie. Le Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, a été très ferme dans sa réaction déclarant hier: «Nous refusons catégoriquement de faire avec les blocs de colonies notamment celles entourant Jérusalem comme Maalé Adoumim et Pisgat Zéev». M.Qorei indiquera par ailleurs, «il s'agit de terres palestiniennes occupées en 1967. Les résultats des négociations sur le statut final (des territoires occupés) ne doivent pas être déterminés d'avance». Ce que veut faire Israël en dictant sa seule vision de la paix. Le Premier ministre palestinien réaffirmera d'autre part: «Nous tenons aux frontières de 1967 et ne braderons pas un pouce de la terre de Jérusalem car il n'y aura pas d'Etat sans Jérusalem». De fait, le mur d'incompréhension entre Palestiniens et Israéliens ne semble pas près d'être surmonté quand les Etats-Unis, supposés parrain de la paix au Proche-Orient, ne voient et ne veulent voir que la version israélienne du processus de paix, ignorant, et ne tenant pas compte des espoirs légitimes des Palestiniens, à créer leur Etat sur tous les territoires occupés en 1967, de Gaza et de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.