La France sera attaquée pour crimes contre l'humanité. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laadh) a décidé de porter plainte contre l'Etat français à la cour de La Haye, a déclaré Houari Kaddour, secrétaire national chargé des dossiers spécialisés de la ligue. De façon générale, soutient la Laadh, la question aujourd'hui n'est point une affaire d'indemnisation des victimes irradiées par les essais nucléaires français de Reggane, au Sahara algérien, mais plutôt celle de la «reconnaissance des crimes commis contre des populations innocentes et leur pays, pour toutes les conséquences des essais nucléaires, et pour son mépris face à toutes les maladies endurées par les Algériens». Aussi, la France sera-t-elle attaquée pour crimes contre l'humanité en cette commémoration des douloureux souvenirs du 57ème anniversaire de l'explosion du 13 février 1960, où la France a organisé à Reggane le plus grand et le plus dangereux essai nucléaire, qui équivaut à la force de trois bombes d'Hiroshima. La ligue souhaite alerter l'opinion publique nationale et internationale afin qu'elle prenne connaissance de l'ampleur des expériences nucléaires de 1960 à 1966 en Algérie et des effets néfastes qui persisteront et se transmettent de génération en génération. 57 ans après ces essais nucléaires, la Laadh est persuadée que l'aspect criminel de ces essais nucléaires par l'ancien colonisateur, constitue une violation des droits de l'homme et des exigences de la préservation de la nature par les dangers qu'ils représentent. Ces derniers se manifestent, jusqu'à aujourd'hui, sous forme de malformations congénitales visibles sur 150.000 personnes touchées dans ces zones. Il y a lieu de constater hélas «un désintérêt total de la communauté internationale pour les conséquences des essais nucléaires, notamment le plutonium répandu dans l'atmosphère avec tous ses effets dangereux pour des milliers d'années», souligne encore la Laadh. Dans un long dossier intitulé «A l'occasion», la revue El Djeïch se consacre à rappeler dans sa publication de février 2017, les circonstances douloureuses des explosions nucléaires au Sahara algérien, notamment la «Gerboise bleue» à Reggane qui date de 1960. Cette situation, regrette l'auteur de l'article, le Dr Ammar Mansouri, chercheur en génie nucléaire, perdure encore «sept années après la promulgation de la loi du 5 janvier 2010» dite «Loi Morin», révisée en 2013 et qui a connu trois décrets d'application (2010, 2012 et 2014) ainsi qu'un nouveau décret en voie de publication en 2017. En cette curieuse coïncidence de la 57ème commémoration de pas moins de 57 explosions, essais et expérimentations nucléaires, qui s'ajoutent aux explosions incendiaires au napalm et aux explosions des mines qui tuent encore de nos jours, il est constaté que plus de 730 dossiers de victimes algériennes demandant reconnaissance et indemnisation, ont été rejetés. En 2013, cinq droits essentiels ont été obtenus, relève Me Jean-Paul Tessonnière, avocat des victimes des Associations Aven et Moruroa et Tatou. L'avocat précise qu'une «cinquantaine de victimes ont obtenu satisfaction», regrettant toutefois que nombreux sont ceux qui «poursuivent encore le combat». «Aven» affirme que «le taux d'indemnisation est passé de 0,1 à 15%», ce qui reste insuffisant (...), un prochain décret devrait permettre de passer de «15% à 50%». Les pathologies pour les victimes algériennes des essais de Reggane et de l'accident du Béryl à In Ekker doivent être au minimum celles reconnues par le Japon, étant donné que le Sahara algérien était victime d'une catastrophe 40 fois supérieure à celle d'Iroshima et de Tchernobyl. Il est déduit que la justice française est «inégale et discriminatoire», car le citoyen victime de ces catastrophes n'est pas traité de la même manière. En effet parmi les Polynésiens, les métropolitains, les militaires et les civils, les Algériens n'ont pas le même statut devant la justice. Enfin, la Laadh considère la loi Morin du 5 janvier 2010, relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, comme une «véritable gifle» à l'Etat algérien ainsi qu'aux associations des victimes qui, depuis maintenant 11 ans, se sont battues et se battent encore pour une loi de réparation et de justice à l'égard des victimes militaires, civiles, algériennes, polynésiennes et françaises. La ligue estime également qu'il incombe à la France toute la responsabilité des séquelles de ces crimes nucléaires. Malgré ses tentatives, par tous les moyens, d'imposer le black-out sur le dossier, prétextant, d'un côté, l'incompétence de la communauté internationale à traiter cette question et, de l'autre, en entourant le sujet de confidentialité et en dressant des obstacles à l'accès des chercheurs aux documents et archives français.