Pour Ghlamallah, la diversité linguistique est considérée comme un germe de division menaçant l'unité nationale Visiblement, Ghlamallah a pris le goût des excès. Il y a un mois, il nous a servi une bombe en allant jusqu'à nommer les assassins du président Boudiaf. Invité à s'exprimer à l'occasion de la Journée internationale de la langue maternelle célébrée hier, le président du Haut Conseil islamique (HCI) et ancien ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah, a fait une dangereuse sortie de piste. Le doigt sur la gachette, il est venu chasser du francophile à la Bibliothèque nationale au lieu de prêcher la bonne parole, celle d'un islam modéré dans un contexte où les extrémismes religieux sont légion. Sa cible du jour, Ahmed Fattani, le directeur de L'Expression. La raison de cette dérive qui exhale des relents d'une haine idéologique recuite tient à un simple fil... linguistique. Dans un article publié le 9 du mois en cours, le directeur de L'Expression, dans son rôle d'agitateur d'idées, a dénoncé le pullulement des inscriptions en anglais aux frontons de nos édifices publics et cela à la place de la langue française. Le directeur de L'Expression n'a pas fait que rappeler une évidence qui caractérise le paysage linguistique dans notre pays. Dans son article, Ahmed Fattani a relevé que «le siège abritant les Archives nationales, l'université de Dély Brahim et tant d'autres hauts lieux du savoir ont troqué la langue de Molière contre celle de Shakespeare». Sans crier gare, à leur tour, des ministères ont cru bon de suivre cette tendance à la mode. «Du ministère de la Défense nationale à celui des Affaires étrangères en passant par bien d'autres, les Algériens découvrent avec stupéfaction que l'anglais a bien envahi leurs espaces de vie. Et cela ressemble bien à un viol... linguistique.», note le directeur de L'Expression avant de s'interroger: «Pourquoi ravaler chez nous cette langue de civilisation qui est d'un grand apport à la culture universelle, alors que tant d'autres pays nous l'envient?», et cela a suffi pour qu'il subisse la foudre. Que serait-il advenu de ce directeur s'il avait juste osé suggérer l'adhésion de l'Algérie à la francophonie institutionnelle? C'est donc avec une superbe assurance et dans une confusion extrême, que le président du HCI légifère, distribue des blâmes comme si les Algériens l'avaient chargé par délégation d'exprimer à travers lui leurs pensées. Puisque la contradiction ne le gêne pas, il entretient sciemment l'amalgame et suggère qu'en défendant la langue française, M.Fattani est contre la langue arabe! Or, le propos est tout autre. La langue arabe est une langue nationale et officielle, c'est consacré et entendu. Il en est de même d'ailleurs pour la langue amazighe, ce que refuse Ghlamallah pour qui la diversité linguistique est considérée comme un germe de division menaçant une unité nationale. Vieux cliché, une autre négation, mais pareil scrupule ne l'étouffe pas. Il veut se donner à la fois le noble rôle de grand défenseur de la langue arabe, langue du Coran, avec les avantages de la tyrannie idéologique de ceux qui pensent différemment que lui. Ce n'est ni une offense ni un sacrilège que de rappeler une évidence que la langue française occupe une place importante dans notre société. Dans les secteurs social, économique, éducatif et scientifique, l'Algérien utilise cette langue, vecteur de culture et de civilisation, n'en déplaise à M.le président du HCI. Visiblement, Abdellah Ghlamallah a pris le goût des dérives. Il y a tout juste un mois, il nous a servi une bombe en remuant le couteau dans un dossier d'une extrême sensibilité en allant jusqu'à nommer les assassins du président Boudiaf: «Ce sont ceux qui l'ont ramené qui l'ont assassiné.» Ce n'est pas un secret d'Etat, mais parmi les personnes qui ont contacté Mohamed Boudiaf pour qu'il rentre au pays, figurent l'avocat Me Ali Haroun et le général Khaled Nezzar. Ils étaient tous deux membres du Haut Conseil d'Etat (HCA). En sa qualité d'ancien ministre et de responsable d'une honorable institution, le HCI, il est très bien placé pour savoir qu'il lui est strictement interdit de remettre en cause une décision de justice. Mais puisqu'il s'agit du président en exercice du Haut Conseil islamique, une prestigieuse institution faisons l'hypothèse charitable que cette dérive est une erreur d'appréciation de la part de Ghlamallah. Il nous appartient donc de défoncer la camisole du complexe linguistique, comme la nouvelle génération française dépasse la question mémorielle.