Comme dans les stratégies politiques et économiques internationales, les connexions entre terroristes et réseaux mafieux se font dans de grands mouvements d'ensemble. La nouvelle formule adoptée par le Gspc, par exemple, est d'impliquer les réseaux mafieux dans ses plans. Ce n'est pas, là, une nouveauté, dira-t-on, mais il y a le fait que la « fusion » se fait aujourd'hui «équitablement». Les groupes armés ne sont pas «majoritaires» dans ces transactions, mais uniquement «associés». L'enjeu, dans tous les cas, reste l'argent à gagner. Il y a quelques jours, à Sidi Daoud, un convoyeur de camion, chargé de former une ligne dans le dispositif sécuritaire placé pour une embuscade, alluma tous les phares donnant ainsi le signal aux terroristes du coin. Cette aide précieuse et pernicieuse eut un résultat contraire pour le chauffeur, qui succomba, le premier, aux balles terroristes. En fait, ce voleur de sable était une sorte d'«ouvreur» des groupes terroristes, un éclaireur qui renseignait sur les positions des services de sécurité dans la région. Entre Boumerdès et Tigzirt, il existe des dizaines de ces hommes, voleurs de sable, racketteurs et brigands à la semaine, à la solde des hommes de Hassan Hattab. Apparemment, ces connexions se font selon un classement en zones, où les fiefs terroristes font face aux plages et espaces de sable. Nous avons donc, par exemple, le groupe Gspc de Sidi Daoud qui fait jonction avec les contrebandiers du sable de Sahel Boubrik, tandis que le groupe qui active à Baghlia converge avec la mafia du sable de Oued Sebaou. Les groupes, de Ouled Ali, les Issers et Bordj Ménaïel ont leur alter ego du côté de Cap-Djinet, Zemmouri et Chaoura. Les pilleurs de sable de Dellys ont leur connexion branchée sur le groupe armé de la vaste forêt de Mizrana. Ces connexions ont pourtant été révélées lors du coup de filet donné par la gendarmerie de Tébessa à un groupe de racketteurs locaux. Au nombre de vingt, ces racketteurs, pris d'abord pour un groupe du Gspc, dressaient des faux barrages, délestaient les gens de leurs biens, avant d'envoyer « l'impôt légal » aux hommes de Hattab. Hormis l'aide financière, les réseaux mafieux servent aussi à renseigner les groupes armés sur les positions des ser- vices de sécurité, à faire la liaison avec les cellules de soutien, les familles des éléments armés et les éventuelles recrues. De leur côté, les groupes armés du Gspc servent de caution et de couverture à ces réseaux, qui, dès lors, peuvent «activer librement» dans les zones réputées inaccessibles au commun des hommes. Le commandant de groupement de gendarmerie de Boumerdès, le colonel Abdelhafid Abdaoui, estime que «les uns comme les autres de ces groupes sont considérés comme des terroristes et poursuivis en tant que tels, car un contrebandier qui prête aide et assistance à un terroriste est un terroriste à part entière.» Avant-hier, un gros bonnet de la mafia du sable a été présenté au tribunal. Froid et comptant sur des interventions, l'homme a montré devant tous une suffisance, un aplomb sans pareils. Le lendemain il a été relaxé. Celui qui a été accusé de soudoyer les agents de l'ordre public pour faire passer ses camions de sable, a été jugé innocent. Totalement. Ce genre de connexion est en usage chez le Gspc, qui préfère les «grands mouvements d'ensemble». Les GIA ne font confiance qu'à la hargne de leurs desperados.