«Si la croissance démographique se poursuit à ce rythme, l'Algérie se retrouvera avec une population de 64 millions d'ici 2050.» La question de la démographie et le développement a suscité hier un débat des plus passionnants entre chercheurs, sociologues et universitaires à l'occasion d'un séminaire international organisé par l'Association Les amis de Abdelhamid Benzine au Palais de la culture, Alger. Intimement liés, la démographie et le développement sont l'équation qui inquiète le plus les pays du monde de nos jours. La raison «est le fait que la négligence de la donne démographique dans la politique de développement mènera fatalement à l'échec de cette dernière », se sont accordés à dire les conférenciers. Intervenant en premier, Fatma Oussedik, sociologue et enseignante à l'université d'Alger, a ramené le débat à l'actualité de l'Algérie, en soulignant d'emblée que la question de la démographie revêt une double importance pour le cas de notre pays. D'abord parce que «l'Algérie est concernée directement par ce «boom démographique», ensuite parce que l'Algérie dont la politique de développement s'est longtemps basée sur les revenus du pétrole est sérieusement menacée ces dernières années après la chute des prix de ce dernier. «Ce nouveau contexte met l'Algérie désormais le dos au mur et exige d'elle de prendre des mesures non seulement pour la conjoncture actuelle, mais aussi à long terme», a ajouté l'enseignante, expliquant que l'évolution démographique qu'a connue l'Algérie depuis les années 2000 a pour origine, le retour de la paix, la croissance et donc l'envie de vivre auprès de la société. Succédant àMme Oussedik, Felwine Sarr, économiste et enseignante à l'université de Dakar, a abordé la question de développement dans le Continent noir. Pour le chercheur, le mot développement qui est à la base emprunté à la science, est devenu obsolète de nos jours. «Il est devenu idéologique. Il implique un retard des pays en développement par rapport aux pays développés, ainsi qu'un mimétisme, une voie toute tracée qui n'est pas la panacée». Ainsi, les pays africains doivent revoir la signification du mot développement et cesser de se comparer aux autres pays. Les pays africains gagneraient, plaide M. Sarr dans sa communication de rang magistral, à trouver un modèle de développement propre à eux. «Celui-là doit trouver sa concrétisation sur le terrain dans la diversité du continent africain avec toutes ses spécificités humaines, culturelles et naturelles.» «Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien copier du monde occidental», explique le chercheur, «mais veut dire copier avec sélection». Revenant au mot développement, M. Sarr s'est dit plutôt favorable pour l'emploi du mot bien-être ou bien-vivre. Et de conclure en exhortant les pays africains qui voient dans l'évolution démographique une malédiction, à la voir plutôt comme une bénédiction et à la manière de la Chine qui pense: «C'est vrai un enfant de plus, est une bouche de plus à nourrir, mais ce sont deux bras de plus pour travailler.» Présentant par ailleurs sa communication portant sur les différentes étapes par lesquelles est passée l'évolution démographique en Algérie, Ahmed Mokaddem, chercheur et enseignant à la faculté d'Alger, a subdivisé ces étapes en quatre, l'étape de prétransition correspondant à l'Algérie d'avant 1950, celle de l'accroissement allant de 1950 à 1985, la décroissance 1985 -2000 et l'étape du «boom démographique allant de 2000 à ce jour». S'attardant sur la dernière étape, M. Mokaddem, a dit que bien que cette évolution démographique soit explicable et compréhensible, compte tenu de la décennie qu'a vécue l'Algérie et l'amélioration de conditions de vie sur tous les plans, elle a faussé toutefois tous les calculs et risque d'ici quelques années de créer des situations complètement imprévisibles. Pour ne pas s'y retrouver, les pouvoirs publics ont intérêt, fait remarquer l'enseignant, «à se pencher sérieusement sur la question dès à présent et de tenter de faire dans l'anticipation». Et d'avertir: «Si la croissance démographique se poursuit à ce rythme, l'Algérie se retrouvera avec une population de 64 millions d'ici 2050.»