Le FFS et les archs prudents, le RCD attend que passe la bourrasque. La double célébration du Printemps noir et des événements d'Avril 1980, a eu un cachet particulier cette année en Kabylie. Particulier, parce que c'est la première fois depuis 25 ans que ces deux événements sont célébrés sans le recours à la grève générale traditionnelle, c'est la première fois qu'il n'y a pas eu de marche grandiose dans les artères de la ville de Tizi Ouzou et de celles de Béjaïa. Enfin, la Kabylie a rompu avec la règle traditionnelle de fêter le double événement dans l'unanimisme pour adopter le principe de la diversité. Il faut relever que vingt-cinq ans après le Printemps berbère et quatre années après les événements sanglants du Printemps noir, la majorité redevient silencieuse. La Kabylie ne s'est pas emballée pour célébrer les acquis d'un combat où elle a payé rubis sur l'ongle. Le fait est à prendre sérieusement en considération par les pouvoirs publics qui s'apprêtent à organiser des élections partielles. Mais avant cela, les animateurs politiques agissant au niveau de la région ont saisi l'ampleur de la «démobilisation». Les différentes manifestations - en rangs dispersés - animées par ces acteurs, laissent entrevoir un début de décantation. Le FFS et les dialoguistes ont été prudents dans leurs actions, les antidialoguistes ont joué le tout pour tout, ils ont perdu, et le RCD semble attendre que la bourrasque passe. Il est certes prématuré d'affirmer que les rapports de force sont clairement identifiés à la faveur de ce double anniversaire, mais les actions menées hier, remettent en surface un bras de fer engagé aux pires moments de la crise de Kabylie. L'affrontement politique est relancé entre le FFS et le mouvement des archs. Le parti d'Aït Ahmed a rassemblé un millier de personnes hier, à la Maison de la culture de Béjaïa. Si le nombre ne reflète pas les réelles capacités de mobilisation de ce parti très porté sur les manifestations populaires, il va sans dire que le coeur du plus vieux parti d'opposition bat encore. Donné pour mort au lendemain de son «échec» à convaincre les populations à se rendre aux urnes en octobre 2002, lors de la tenue des élections communales, le FFS relève la tête et renoue avec les populations. Les archs qui ont réussi le pari de recevoir le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, à Ath Douala, l'épicentre de la crise du Printemps noir, sans heurts, comptent sur les acquis de leur reprise du dialogue avec le pouvoir pour renforcer leur crédibilité. En attendant, ils semblent opérer un retrait stratégique. Abrika et les autres délégués se sont contentés d'un gala à la place d'une manifestation de rue et d'une démonstration d'envergure. Plus téméraires, jouant le tout pour tout, les anti-dialoguistes quant à eux, ont raté leur sortie. Tout au plus, 400 personnes ont répondu à la marche du 20 avril à laquelle ont été conviées les populations, ont peut ainsi dire qu'ils ont complètement raté leur démonstration. Encore plus cuisant est leur échec quand il s'agit du taux de suivi de la grève générale à laquelle ils ont également appelé les populations. Le cas le plus atypique demeure le RCD. A part une conférence de Saïd Saâdi à l'université de Tizi-Ouzou, aucune autre activité n'est à l'actif du parti. Le RCD s'est-il perdu en conjectures, attend-t-il pour mieux voir ou alors, pour reprendre un des propos du Dr Saâdi, «parfois il est bon de laisser la décomposition se faire»? Vingt-cinq ans après le Printemps berbère, en Kabylie on n'attend plus le messie. La majorité de la population kabyle vaque à ses occupations quotidiennes, après un quart de siècle de lutte pacifique acharnée que les détracteurs de l'Etat républicain ont jalousée. Un des éléments de la crise a été d'abord linguistique dont l'acuité a donné la terrible impression d'une remise en cause de l'unité nationale. Le Printemps berbère d'avril 1980 a ébranlé le monolithisme de la vie politique algérienne. La mobilisation qui s'est concentrée sur la culture et la langue amazighes, n'a pas aidé le MCB (Mouvement culturel berbère) dans sa quête de réappropriation identitaire. Mais il a semé la graine. Le greffon a pris avec la révolte de 2001. Une contestation d'une ampleur inédite a ébranlé la Kabylie. Assemblées générales, sit-in, manifestations, tournées d'information, affrontements quasi quotidiens avec les "forces de l'ordre", ont donné naissance à la plus extraordinaire des mobilisations citoyennes de l'Algérie indépendante.