Je me suis souvent posé la question: combien de nos ministres lisent les quotidiens nationaux? Et savent-ils les décrypter? A suivre les sujets qui font l'actualité nationale, suscitant chaque jour, le courroux des Algériens, et face au mur de silence de nos gouvernants, l'on déduit avec amertume que certains de nos ministres sont toujours enfermés dans une tour d'ivoire, leurs oreilles branchées sur un MP 3 captant des mélodies en rupture avec la réalité. Mais quelle est donc cette berceuse qui les éloigne tant de la vie de certaines franges de la société? En l'espace d'une dizaine de jours, sur les principaux sujets qui ont barré la «Une» de tous nos journaux, on note que le réflexe du «black-out» a été souvent la règle pour des ministres du gouvernement Sellal. On a cherché, en guise de répondant, à louvoyer, à user de cette vieille langue de bois immortalisée en label chez nous, à nous resservir cette soupe tiède faite de discours paternalistes et de faux- fuyants. Mais jamais, pour ces ministres interpellés, nous n'avons observé une réaction salutaire, majeure, responsable et efficace. Sur trois dossiers traités à longueur de colonnes, des ministres ont choisi l'échappatoire alors que nous nous attendions à ce qu'ils prennent le taureau par les cornes. 1-Sur la flambée des prix des fruits et légumes: on nous a ressorti mille et une fausses raisons abracadabrantes pour convaincre le peuple sur les causes réelles à l'origine de cette crise. Le prix de la pomme de terre a triplé sur les étals de nos marchés. De 50 dinars, ce féculent a grimpé les cimes de l'Olympe pour atteindre les 150 dinars dans un pays qui connaît pourtant une surproduction depuis deux ans. Jamais, une déclaration d'un ministre se rapportant à ce légume devenu si affriolant, n'a remporté les suffrages populaires pour y croire. Et puis, comment se fait-il qu'un ministre de l'Agriculture n'ait pas jugé nécessaire de prendre à temps toutes les dispositions pour éviter une rupture dans la chaîne de production et de distribution alimentaires? Il y a quelques années à peine, l'Algérie avait été même contrainte d'importer de la «patate» en mobilisant toute une flottille de cargos, sur plusieurs mois, avant que nos friteuses ne soient condamnées à être rangées dans un coin de cuisine et que naisse chez nos enfants cette tendance brutale à la fronde de laquelle ne se sont jamais départis leurs parents. Jusqu'à quand notre Premier ministre, Abdelmalek Sellal, palliera-t-il les faiblesses avérées de certains de ses ministres? Un dirigeant politique qui a la mission de conduire un gouvernement a besoin de synchroniser toutes ces énergies. Ne devrait-il pas plutôt «plancher» sur des questions d'ordre stratégique à l'heure où l'Algérie nourrit l'ambition de muter en nation industrielle, en pays émergent? Sinon, expliquez-nous comment la banane est devenue du jour au lendemain une affaire d'Etat? Un dossier de priorité nationale puisque son prix de vente au public a quadruplé sans crier gare! Chez nos voisins tunisiens, elle est toujours cédée à 3 D.T soit à 210 dinars algériens au change. Des spéculateurs sans foi, ni loi dépouillent le peuple en toute impunité. Le couffin de la ménagère est devenu qu'on le veuille ou non, un sujet de préoccupation majeure. Les fruits et légumes ont subi un «pic» inattendu de leurs prix de vente dévoilant ainsi toute la vulnérabilité d'une politique sociale construite depuis de longues années. Souvenons-nous de janvier 2011 quand des «garnements» ont mis le feu à Bab El Oued annonçant prématurément le cycle des «printemps arabes», pour un bidon d'huile et une boîte de sucre cédés hors de prix. N'eut été le génie du Président Bouteflika, l'Algérie aurait sombré dans un véritable enfer. Cette prouesse politique ne devrait-elle pas aujourd'hui encore inciter des ministres à avoir un coup d'avance sur les évènements? A deux mois et demi du Ramadhan, les prix flambent. Qu'en sera-t-il lorsque nos pieux croyants renoueront avec les pratiques d'Ali Baba aux premiers jours du jeûne et que la pomme de terre et la courgette coûteront le double de ce qu'elles valent aujourd'hui dans nos marchés? Nos ministres gouvernent-ils mal la République? Passent-ils tout leur temps à rester cloîtrés sous les lambris dorés de leurs cabinets? Entre eux, ils ont édifié des murs de cloisonnement. Ils ne communiquent pas. Ils ne coordonnent plus. Et pour certains, avouons-le, c'est à peine s'ils osent s'adresser la parole quand ils viennent à se croiser. Pourquoi donc le ministre de la Justice n'instruirait-il pas son corps judiciaire de s'autosaisir de dossiers «épineux» et de faire bouger les brigades d'enquêtes économiques de la gendarmerie et de la police? Un travail qui doit être effectué en coordination avec les ministères de l'Agriculture et du Commerce. Quand la rue algérienne gronde, nos ministre tremblent. L'attitude du ministre de l'Intérieur, Nouredine Bedoui, coincé déjà avec les premiers signes de la fébrilité des législatives, n'est-elle pas assez significative quand il persiste à planter sa tête comme l'autruche dans le sable pour ne rien voir...venir? La stabilité intérieure relève aussi du pouvoir d'achat des citoyens et gare à leur mécontentement! Comme la courgette, la paix sociale a aussi son prix. Entre-temps, un autre quiproquo est né. Celui de la vaccination contre la rougeole et la rubéole. On sent à plein nez que cette opération relève beaucoup plus de l'improvisation que d'une opération mûrement réfléchie et à laquelle adhèrent les parents d'élèves. Si ces derniers doutent de la nécessité de cette campagne de vaccination, c'est qu'ils ne font pas confiance au gouvernement! Voilà les non-dits d'une initiative dont la mise en route a été carrément bâclée par deux ministres, Mme Benghebrit et M. Boudiaf. Que n'auraient-ils pas gagné en communiquant mieux avec tous les partenaires de cette campagne sanitaire d'utilité publique? Enfin, à Air Algérie, sans crier gare, des syndicalistes se lèvent le matin et décrètent la grève générale parce qu'une décision de leur ministre de tutelle, Boudjema Talai, ne leur sied pas. Durant plusieurs heures, des aventuriers d'un nouveau genre ont osé isoler du monde les aéroports de toute l'Algérie. Dans ce bras de fer, rendons tout de même un hommage mérité à ce ministre d'avoir eu le courage de clamer tout haut ce que les Algériens pensent désormais de la décrépitude de leur pavillon national. Ces «grosses têtes» du gouvernement doivent au moins savoir que les médias les surveillent. La complaisance qui fut longtemps leur alliée a fini par leur fausser compagnie. Tout l'abattage médiatique dont ils seront les principaux acteurs à l'avenir ne doit être mû que par un seul souci: l'obligation de résultat. Dans cette République, tous ces ministres savent-ils au moins pourquoi ils se lèvent chaque matin? Si on ne veut plus évoluer dans un climat de catastrophisme absolu, c'est parce que, avouons-le, nous avons la conviction que la ligne de rupture finira bien par être consommée entre eux et ce peuple. A vouloir s'obstiner à vivre et diriger l'Algérie dans l'improvisation, telle qu'elle semble devenue aujourd'hui, ces ministres risquent de tomber dans les abîmes de l'impopularité. N'est-il pas enfin temps de dire: «Maintenant, messieurs les ministres, ça suffit!». [email protected]