Le dernier attentat en Egypte met en lumière une caractéristique inédite du terrorisme. La question que se posaient samedi les analystes, après les deux attentats du Caire, était celle-ci : qui sont ces nouveaux terroristes, dont l'âge -comme celui du jeune kamikaze du quartier de Sayyeda Aïcha-, ne dépassait pas les 23 ans. L'autre fait à relever est la participation directe, pour la première fois, de femmes aux actions terroristes, ces dernières passant ainsi du rôle passif de soutien et de messager à celui d'auteurs d'attentats. Ainsi, l'analyste égyptien Nabil Abdel Fattah estime que «la participation active des femmes constitue un grand changement dans le paysage des groupes intégristes». Selon lui, «l'implication des femmes est un élément dangereux car il signifie l'adhésion aux groupes terroristes de nouveaux éléments actifs. Le recours au niqab leur octroie aussi une flexibilité de mouvement et un champ d'action plus large». Ce qu'il faut aussi relever est que l'attentat de samedi implique trois personnes qui se sont révélées de proche parenté. Ainsi, indiquent des sources hospitalières et policières, l'une des assaillantes du bus transportant des touristes, Nagat Yousri Yacine (22 ans), est la soeur du kamikaze, Ihab Yousri Yacine (23 ans) auteur du premier attentat, et était accompagnée par Imane Ibrahim Khamis (19 ans), la fiancée de son frère. Ce qui est sinistre aussi, c'est le geste de la jeune Nagat qui, après l'échec de leur action contre le bus, n'a pas hésité à tirer sur son amie avant de retourner l'arme contre elle-même, se tuant sur le coup, alors que son amie succomba à ses blessures à l'hôpital. C'est dire la détermination de ces nouveaux «djihadistes» nourris de frustrations et de désillusions, d'échec social, plus que d'idéologie islamiste. De fait, ces islamistes d'un genre encore inconnu, qui tranche avec les Frères musulmans, -peu ou prou intégrés au système politique égyptien-, ne laissent d'inquiéter. Les trois jeunes kamikazes qui habitaient le quartier de Choubra Al-Kheima, le plus pauvre et le plus démuni de la titanesque capitale égyptienne, proviennent du bidonville d'Ezbet Al-Gabaloui -où vit la famille Yousri Yacine-. Les forces de sécurité y ont procédé à des rafles massives juste après l'attentat, faisant bonne mesure en y incluant les bidonvilles avoisinants d'Ezbet Al-Amar et d'Ezbet Rouchdi, procédant à l'arrestation de 200 personnes dont quelques-unes ont été relâchées après avoir été entendues. Qui sont ces jeunes surgis sur la scène politique et sécuritaire égyptienne? Quels objectifs défendent-ils ou veulent-ils atteindre? Sont-ils organisés et agissent-ils dans un cadre planifié? Ont-ils accompli ces attentats de leur propre initiative? Ces questions taraudent analystes et forces sécuritaires égyptiens, mais peu de réponses sont données, et ce ne sont pas les deux revendications qui ont suivi l'attentat de samedi qui vont clarifier la nouvelle donne islamique égyptienne. Aussi, l'appel du président Hosni Moubarak au peuple égyptien pour lutter «main dans la main» avec le gouvernement vient-il quelque peu à contretemps et à contre-courant de la situation réelle prévalant en Egypte. De fait, la corruption, le chômage, l'échec social, avec un horizon bouché pour la nouvelle génération, ne semblent pas avoir permis d'autre alternative pour les laissés-pour-compte du système politique égyptien, avec en filigrane la perspective que ce phénomène ne fasse boule de neige, avertissent les analystes. En fait, le système égyptien est bien malade et le réveil risque d'être brutal.