C'est en connaissance de cause que cet ancien informaticien reconverti à l'édition parle... La chaîne du livre en Algérie : approche pragmatique pour la résolution du problème est le thème débattu dimanche dernier lors du Café littéraire entrant dans le cadre du cinquième Salon national du livre se tenant actuellement à la Bibliothèque nationale d'Algérie et ce, jusqu'au 13 mai. Animée par Bélaïd Mohamed Chérif, cette conférence a voulu, selon son orateur, réfléchir à la question de la crise du livre en Algérie en adoptant une analyse scientifique au sujet. Pour le conférencier, aborder un problème complexe, signifie le cerner dans le détail en étudiant l'interaction entre ses différents éléments, a fortiori lorsqu'il s'agit de la chaîne du livre. Bélaïd Mohamed Chérif fera remarquer donc d'emblée, que le constat et l'observation seuls du problème ne suffisent pas à le résoudre. C'est pourquoi il sera question de «démanteler» la chaîne du livre en abordant ses composants pièce par pièce. M.Bélaïd Mohamed Chérif, éditeur, est aussi auteur et ancien informaticien. Il a confié être venu à parler du livre en connaissance de cause. Pour cerner la problématique du livre en Algérie, il répondra à une somme de constats «négatifs» autour du livre, pour lesquels il apportera des contre-vérités ou son point de vue. «Si on dit que les Algériens ne lisent pas, c'est grave ! A ma connaissance, si. Il y a des gens qui disent qu'il n'y a pas de livres en librairies, moi je réponds que le livre est disponible partout et en qualité». «Pour moi, les Algériens lisent. L'Etat doit-il s'impliquer dans l'édition du livre? Oui, à ma connaissance, l'Etat est responsable. Nous allons aussi pénaliser l'édition si on ne montre pas à l'Etat comment il doit nous aider, il le fera mal». L'orateur signifiera par là que les acteurs du livre doivent tous s'impliquer. Le conférencier s'attellera par la suite à démontrer par un schéma sémantique représentant la chaîne du livre (auteur, éditeur, distributeur, libraire) qu'il y a une interaction que lie chacun de ces éléments entre eux et qui sont également liés à l'environnement social, économique, culturel et politique dans lequel ils évoluent. Partant de là, le conférencier en théoricien avéré, dira qu'il faut appliquer l'approche systémique du livre (de Descartes), c'est-à-dire après décortication du problème, analyser ces «liens» ou «interactions» qui relient chaque chaînon à l'autre. M.Bélaïd Mohamed Chérif fera remarquer à juste titre que le problème de l'édition est indissociable du phénomène de l'éducation nationale qu'il faut, lui aussi, étudier. Et de constater à son tour que le métier d'éditeur ne s'apprend pas à l'école comme le métier d'auteur ou de diffuseur ni même de libraire. Se pose le problème de la formation inexistante de ces «métiers» à l'université ou autre. «Devant un problème complexe, il faut une analyse approfondie, rationnelle», réitéra-t-il. Abordant l'aspect économique, il évoquera la banque, notamment comme un des facteurs influant sur le métier du livre. «Or, le livre est certes un produit qu'on trouve sur le marché mais ne répond pas aux mêmes règles que les autres produits commerciaux». Et d'aborder la question cruciale : l'élève lit-il ? Si oui, que lit-il en dehors du livre scolaire? Une réflexion pour mettre l'accent sur le rôle des bibliothèques et des enseignants dans la formation et l'éveil de l'enfant à s'intéresser aux livres. Et de souligner: «Le marché du livre scolaire représente environ 60% du livre national» et d'ajouter: «50% du problème est concentré sur l'éducation. Il faut que la famille incite l'enfant à lire. Le moyen le plus logique est de le faire à l'école.» Le fisc ou les douanes est l'autre versant du problème que le conférencier abordera en évoquant la loi sur la suppression des taxes sur le livre importé. «Or, la taxe sur le papier coûte cher. On se condamne de la sorte en informant mal les responsables. Il faut aller vers la politique de sensibilisation. Les députés sauront comment voter après.» M.Bélaïd Mohamed Chérif exhortera la maigre assistance, présente cette matinée de dimanche, à réfléchir ensemble aux moyens de mettre en oeuvre afin de résoudre le problème par sa «radiographie», à même d'apporter des solutions finales d'ici à 20 ans. Et d'avouer plus tard : «Tout ce qui a été dit est connu, ce qui m'a poussé à réagir, c'est l'indifférence des gens de la corporation, du métier du livre. Cela m'a blessé de ne trouver aucun écho, même de leur part...». Ceci est en effet un problème, un autre à résoudre...Un chacun pour soi qui aurait pour nom l'économie de marché!