Le père Benamor avec le président Bouteflika «Cet homme a transformé son milieu», avance le professeur Taïeb Hafsi. D'une contrée sèche et aride qu'est Guelma, il en a fait une région teintée de vert et de rouge où pullulent désormais les producteurs de tomates. Le groupe Benamor est une «histoire de famille» qui a su «conserver» les valeurs. Oserons-nous affirmer qu'on a résumé au bout de cette ligne, un sucess story algérien? Loin s'en faut. Deux chercheurs de renommée internationale se sont échinés cinq années durant à dépeindre dans le moindre détail les secrets d'une ascension fulgurante de cette entreprise familiale qui a démarré d'une simple conserverie de tomates à Guelma. Omar Hemissi, enseignant- chercheur à l'ENA et Taïeb Hafsi titulaire de la chaire Walter J. Momers de Management stratégique international à HEC Montréal, viennent d'éditer à Casbah éditions leur livre portant le titre évocateur: Amor Benamor, une réussite algérienne. Pourquoi un livre sur Benamor? «C'est la révolution de la tomate dans la région de Guelma qui a suscité notre intérêt», affirme le professeur Taieb Hafsi qui, souligne: «Pensez-y! Depuis l'indépendance du pays, les pouvoirs publics ont tenté vainement de maîtriser la filière de la tomate et des conserveries. Les décisions venant d'en haut n'ont pas pris, il a fallu que ça vienne d'en bas et c'est le succès.» Une famille qui force le respect Une raison encore plus profonde a guidé l'existence de ce livre. «On voulait le secret de cette réussite, on a dû alors fouiller dans plusieurs documents, effectué des dizaines de voyages à Guelma et réalisé plus de 90 jours d'entretiens...le travail a été laborieux, mais c'était une riche expérience», confie le professeur Omar Hemissi coauteur de l'ouvrage. «Mais aussi parce qu'ils constituent une réussite et parce qu'ils ont réussi à la fois à construire leur entreprise et à contribuer puissamment au développement de leur communauté, qu'il est un modèle à méditer», écrit M. Hafsi. «En participant au développement et à l'équilibre de leur pays, en créant des richesses nouvelles qui bénéficient à tous et qui accélèrent la croissance, les Benamor ont découvert le chemin du bonheur», ajoute-t-il. Tout a commencé au début des année 1990 quand le père Amor Benamor, avait construit une petite usine qui produisait de la conserve de tomate. Il avait comme seul viatique sa volonté et la hargne de réussir dans son propre pays. Amor Benamor était un entrepreneur originaire de Oued Souf qui construit dans la commune de Bouati Mahmoud, dans la wilaya de Guelma, une conserverie de tomates de 200 tonnes. Les autorités locales ne l'avaient pas invité avec un tapis rouge. Que d'embûches sous les pieds, que de tracas administratifs! Mais avec l'endurance, l'affaire prospère. En 2003, Si Amor inaugura, en présence du président Bouteflika et de plusieurs ministres, un grand moulin, une usine de production de semoule et de farine et une usine de production de pâtes alimentaires. Il décéda quelque temps plus tard, mais le rêve lui survivra. Ces cinq enfants prennent les choses en main. «Dans leur désir de croissance, les cinq frères Benamor, en particulier Laïd qui était le leader naturel du groupe et Sami qui dirige l'ensemble des conserveries, ont vite rencontré la contrainte la plus importante: l'approvisionnement en tomates», écrit le professeur Hafsi en introduction de ce livre qui relate passionnément l'histoire d'une famille qui force le respect. Laïd Benamor fit venir des spécialistes espagnols qui lui confirmèrent que les terres espagnoles avaient des caractéristiques semblables à celles de la région de Guelma, voire de l'ensemble de l'Algérie, et qu'il était possible d'augmenter considérablement la productivité. Egalement, en utilisant des techniques modernes, on pouvait réduire considérablement les besoins en eau», ajoute M.Hafsi. Mais ils sont comme nous finalement! Aujourd'hui, le groupe Benamor est leader sur le marché national de la tomate, du couscous et de la confiture. Cette audace d'un homme parti de rien arpentant les chemins tortueux de l'entreprise, mérite en effet d'être soulignée comme exemple de réussite. Ce livre se veut donc une fenêtre d'espoir pour les jeunes Algériens... N'est-il pas dit qu'un pays se construit grâce au dynamisme de ses entrepreneurs? L'idée est lumineuse. Inspirée de la philosophie anglo-saxonne, elle consiste à mettre en valeur les exemples de succès entrepreneurial en vue de susciter l'émulation, l'espoir et le désir de réussite chez les jeunes. Ils doivent se dire en lisant ce livre: «Mais ces patrons qui ont réussi sont finalement des gens comme nous et donc nous aussi, nous pouvons réussir...». C'est ce que l'ancien président Barack Obama a résumé dans son slogan de campagne pour son élection en 2008, «Yes we can». A la présentation du livre hier à l'hôtel Sheraton à Alger en présence de la famille Benamor et de leurs amis, de patrons, d'anciens ministres dont celui de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, le militant du développement rural, il y avait beaucoup d'émotion. Evoquant le nom de son défunt père, Laïd Benamor avait beaucoup de mal à terminer son allocution. Dans leurs témoignages sur le défunt Amor Benamor, les intervenants étaient unanimes à relever que le défunt était pétri de valeurs. Il sacralisait la famille, il avait le goût du partage, l'amour des proches et une ferveur immodérée pour le travail et le mérite. Il s'ensuivit un débat sur l'entrepreneuriat et le rôle de l'entreprise dans l'économe nationale. Dans un cri de coeur, la directrice du quotidien Echaaab, Amina Debache, a appelé les patrons algériens à tendre la main aux jeunes entrepreneurs. «L'Etat na pas été avare en moyens. Il leurs donné l'opportunité de créer leurs entreprises dans le cadre des différentes formules comme l'Ansej, mais de grâce ne les laissez pas désarmés, évoluer seuls dans cette jungle économique, tendez leur la main par votre expérience et votre savoir-faire», a lancé non sans émotion la directrice d'Echaaab. Les entrepreneurs ce sont eux qui découvrent des opportunités, ils ont une capacité de recul, ils ont surtout la faculté de mobiliser des énergies autour d'eux.