La lettre en notre possession n'a été envoyée aux membres du Cnes que 6 jours après la démission, ce qui dénote envers eux un certain mépris. Une bonne partie du voile vient de se lever sur les raisons, supposées ou véritables, de la démission de Mohamed-Salah Mentouri de la tête du Cnes (Conseil national économique et social ). Dans une lettre datée du 10 de ce mois, adressée aux membres du Cnes, et dont nous avons obtenu une copie en exclusivité, le désormais ancien président de cette prestigieuse institution s'explique enfin. Ce sont là, en somme, les premières déclarations «publiques» de cet homme depuis son départ de la tête du Cnes. Ainsi donc, dans sa lettre, Mentouri ne laisse de mettre en valeur le grand travail accompli par ce conseil sous sa direction. Il indique ainsi, à propos de sa démission, évoquée dès la première ligne de cette lettre, que sa «décision s'inspire de (son) inébranlable foi en la nécessité d'un espace de dialogue social impartial et indépendant». Et d'ajouter: «J'ai eu le privilège d'avoir, avec votre appui, ses lettres de noblesse à cette institution, qui inspire respect et considération, tant au plan interne qu'au plan international». Mentouri, qui prépare bien son - coup de massue -, ajoute encore en évoquant tout ce qu'il a fait pour ce conseil, avoir eu beaucoup d'honneur «d'avoir animé et conduit les travaux de notre conseil, reconnu aujourd'hui comme une référence dans les milieux les plus divers de la société, en particulier parmi tous ceux qui refusent d'aliéner leur liberté de penser» . Mentouri, dans cette lettre intervenue six jours après sa démission, ce qui dénote, nous indique-t-on, un certain mépris vis-à-vis de ceux avec qui il a travaillé pendant des années, se livre par la suite à un véritable «procès d'intention» sans toutefois citer les noms, ni les postes de ceux qui auraient cherché à aliéner sa liberté de penser, en fait un terme très à la mode depuis cette fameuse chanson récemment sortie en France. Dans sa lettre, en revanche, Mentouri enfonce beaucoup plus le clou. Il y écrit ceci en effet : «Sous peine de me renier et de renoncer à toute notre oeuvre commune d'édification d'un espace de dialogue contradictoire, critique et fécond à la fois, je ne peux souscrire à tout objectif visant à dénaturer la caractéristique même de notre institution, comme je ne peux cautionner toute tentative visant à aboutir à un alignement complaisant du positionnement du Cnes». En fait, comme l'expliquent nos sources, «les pouvoirs publics, spécialement l'Exécutif, n'ont aucune prise sur cet organisme autonome et indépendant». Il l'a d'ailleurs prouvé à maintes occasions. Les véritables raisons de cette démission, en revanche, seraient liées au fait que la présidence de la République, conformément aux statuts du Cnes, s'apprêtait à y désigner ses représentants. Mentouri ne devait simplement pas être reconduit sans le strict cadre du respect de l'alternance démocratique. Il se trouve à la tête de cette institution, à titre de rappel, depuis 1996, ce qui n'est pas peu dire. Un changement, tout à fait logique, dans le cadre de l'alternance, s'avérait dès lors nécessaire sans que le Cnes ne dût en souffrir le moins du monde. Mentouri a tout bonnement démissionné pour échapper à l'humiliation de se voir «remercier» par la présidence de la République. La preuve que le Cnes dispose de tous les appareils et mécanismes qui peuvent en garantir l'indépendance réside dans le fait que tous les acteurs qui pèsent au sein de la scène sociale et économique y sont largement représentés, à commencer par l'Ugta et les organisations patronales. Nos sources vont jusqu'à souligner que «le fait même que Salah Djennouhat, secrétaire national très en vue au sein de la Centrale, est la preuve en soi que le Cnes gardera son autonomie comme va, du reste, son prochain rapport de conjoncture». Il n'empêche que le Cnes, de par son cachet même et ses missions, aura à se pencher sur le plan d'aide à la relance économique afin de donner son avis, de livrer quelques judicieuses orientations et d'éclairer, en quelque sorte, des zones d'ombre qui auraient pu échapper à l'Exécutif Ouyahia. Il convient de rappeler que la session ordinaire, qui était prévue pour le 26 de ce mois, a été reportée à une date ultérieure. En attendant, la présidence devrait désigner ses représentant d'ici à la fin de ce mois. S'en suivra une réunion des membres de ce conseil afin d'élire un nouveau président. Si des rumeurs font état de la possible venue d'Abdelkrim Harchaoui, ancien ministre des Finances sous Ouyahia durant les années 90, d'autres n'hésitent pas à souligner que Djennouhat, qui jouit de la considération, de la compétence et de l'expérience voulues, a toutes les chances d'être maintenu à ce poste intérimaire si d'aventure il venait à présenter sa candidature.