La décision de Mohamed-Salah Mentouri intervient à quelques jours de la remise du rapport du Cnes à la présidence de la République. C'est la grande surprise. Le président du Conseil national économique et social (Cnes), Mohamed Salah Mentouri, a démissionné, hier, a-t-on appris de source proche de cette instance. Cette dernière a ajouté que le conseil a subi des pressions extérieures tendant à l'empêcher de jouer sa fonction d'évaluation indépendante de l'action économique et sociale de l'état. Autrement dit, on a cherché à vider de sa substance ce super-conseiller des pouvoirs publics. Ce qui a motivé M. Salah Mentouri à claquer la porte du Cnes. Or, en clair, le rapport de conjoncture du second semestre, qui sera examiné dans les prochains jours par cette instance, pourrait faire les frais de ces pressions, c'est-à-dire plaire davantage à nos gouvernants et, partant, fermer les yeux sur les lacunes de la politique actuelle, les problèmes et préoccupations de la majorité de la population. Le président du Cnes s'était montré intransigeant sur ce point. à telle enseigne que l'esprit d'indépendance, qui constituait la force du conseil et forçait le respect de nos principaux partenaires économiques, a fini par déplaire. Et donc à conduire le Cnes à se départir de sa mission fondamentale : évaluer objectivement et en toute indépendance la politique économique et sociale de l'état. Le Cnes s'était illustré ces dernières années par ses observations pertinentes et ses recommandations objectives susceptibles de contribuer à l'élaboration de politiques économiques et sociales plus cohérentes. Souvent, nos gouvernants n'ont guère prêté oreille à ces conseils. Au point de perpétuer certaines difficultés de la population. En l'occurrence, cette instance a toujours souligné que malgré les excédents record accumulés par l'Algérie en termes de recettes et de réserve en devises, la majorité de la population s'appauvrissait, le pouvoir d'achat réel d'une grande partie des citoyens reculait. Une vérité palpable à l'œil nu, plus frappante à quelques dizaines de kilomètres d'Alger, et notamment à l'intérieur du pays, en dépit des progrès réels en matière d'amélioration des conditions de vie obtenue grâce au premier plan de relance économique. Alors que le discours officiel tendait à accréditer l'idée que les Algériens se sont enrichis depuis 2000. Une thèse vite contredite par le ministre des finances (remplacé il y a quelques jours), qui a soutenu récemment que le pouvoir d'achat de l'Algérien n'a pas augmenté en termes réels depuis cette échéance en raison de la flambée de l'euro par rapport au dollar, malgré des prix du baril à 50 dollars. Cette démission va ainsi consacrer l'unanimisme ambiant. La règle des courbettes qui veut que pour accéder et se maintenir au koursi, il convient d'être béni-oui-oui. Le Cnes s'était démarqué de ce rituel consacré du système. Il en paie le prix. Mais le grand perdant, c'est l'Algérie ; ce sont les Algériens. Car un pays ne progresse qu'avec l'expression libre des opinions, des idées, l'ouverture aux débats et analyses contradictoires qui constituent l'essence d'une démocratie. Les catastrophes qu'a vécues, récemment, l'Algérie ont montré qu'on ne pouvait faire l'économie des avis des spécialistes, des experts et de toutes les recommandations maintes fois présentées aux pouvoirs publics et vite jetées aux oubliettes. Enfin, le conseil a montré, en dépit de positions parfois idéologiques, qu'il était au service des Algériens et des plus humbles. De ce fait, le président du Cnes tire sa révérence dignement. Pour nous, cette démission n'augure rien de bon. Car on veut faire prévaloir le superficiel, la médiocrité sur l'intelligence et l'esprit critique. Bref, elle représente une défaite pour l'état de droit. Qui montre que l'Algérie avance d'un pas et recule de deux en matière de progrès économique et social. N. R.