Nous ne comprendrons jamais cette soudaine attirance envers el «haïk» et pour célébrer cette étoffe, des associations multiplient des manifestations en tous genres: colloques, séminaires, journées d'études et autres manifestations de rues où l'on voit un déferlement de femmes vêtues du «haïk». Cela fait plaisir aux femmes et aux hommes. On lui trouve plusieurs vertus alors que cela fait des années que personne ne le porte, pis encore, celles qui osaient sortir avec étaient cataloguées de femmes d'une autre époque. Même les journaux y consacrent des articles et parfois nous pouvons lire des dossiers dans des magazines et même dans les suppléments société de nos quotidiens. Quand il y a une manifestation, les journaux sont tenus d'en parler parfois même sans réfléchir et sans s'interroger de l'opportunité d'une telle soudaine effervescence pour le «haïk». Que s'est-il passé donc depuis pour que la vision du «haïk» change? Si c'est en réaction d'une nouvelle tenue vestimentaire qui fait fureur chez les islamistes, le «djelbab» et le «hidjab», nous applaudissons tout en faisant remarquer que lorsqu'il fallait se démarquer et exhiber fièrement une tradition purement algérienne, elles étaient rares celles qui le portaient par peur des menaces islamistes et terroristes. Aujourd'hui, il y'a même ceux qui ont pensé à organiser une journée d'études sur le rôle du «haïk» durant la guerre de libération. Et quoi encore? A notre connaissance, le seul qui a pensé au «haïk» durant la révolution algérienne est italien et il répond au non de Gillo Pontercorvo dans une célèbre séquence dans les ruelles de la Casbah dans «La bataille d'Alger». Aucun historien et aucun historique n'en a parlé avant et après. Le «haïk» n'est pas un, mais, multiple, il est porté avec un oeil couvert et un autre ouvert pour que les femmes puissent se guider dans les rues de la Médina, il est noir à Sétif et à Guelma en signe de deuil suite aux massacres du 8 mai 1945, il est noir aussi à Constantine toujours en signe de deuil suite au décès de l'un de ses beys. Il est d'une étoffe blanche immaculée à Alger et à Béjaïa. Il est inexistant à Tizi Ouzou et ses régions. C'est une drôle de nostalgie et une évidente perte de repères que de vouloir réhabiliter un habit que les Algériennes gardent dans leur garde-robe et qu'elles ressortent peut-être lors des mariages. Cela fait chic et citadin. Il n'est pas interdit de célébrer le «haïk», ni même l'adorer, mais il faut en convenir qu'il n'est pas pratique. Il est dit qu'il laisse montrer les belles jambes des femmes et deviner les formes de son corps surtout quand il est porté avec de belles chaussures à talons. Mais réellement, qui en portait et qui en avait les moyens sachant la situation des Algériens au début de l'indépendance? Alors arrêtez ce cirque! Le «haïk» au musée et tout le monde serait enfin content. Interrogez vos mamans si vous avez le temps de discuter un peu du «haïk» et vous serez édifiés de ce qu'elles vont vous dire. Cette étoffe, symbole de pudeur et de noblesse, tenait et tient toujours une grande place dans notre société. Ce vêtement se porte de différentes façons selon les régions et se caractérise par une grande sobriété, à la différence des vêtements portés en dessous pour les fêtes, d'une grande richesse .