Les ménages semblent adopter une nouvelle comptabilité pour résoudre l'équation des dépenses du mois de Ramadhan. Bien que ce soit une corvée, l'achat des vêtements de l'Aïd demeure une tradition incontournable pour fêter la fin du jeûne, Aïd El Fitr en l'occurrence. A Annaba, l'amorce de l'achat de «Kessouet El Aïd» commence comme le veut la tradition, à partir de la deuxième quinzaine du Ramadhan. Cette période du mois sacré a toujours été spécifique à l'achat des vêtements de l'Aïd pour les enfants. Une tradition perpétrée par les familles annabies, qu'elles soient riches ou pauvres. Depuis des lustres et juste après la rupture du jeûne, les magasins sont pris d'assaut, par les familles, accompagnées de leurs enfants, à la recherche des bonnes occasions. Ces moments remarquables du mois de Ramadhan, notamment pour les enfants, ont tendance à disparaître. Comme c'est le cas à Annaba, où la plupart des familles ont fait le shopping bien avant le mois sacré. Situation occasionnée par le faible pouvoir d'achat pour les uns et éviter les bousculades des rues et des magasins pour les autres. Entre les uns et les autres il y a ceux qui tentent d'instaurer un brin d'organisation dans leur vie, en procédant au lèche-vitrine en dehors du mois sacré. Il n'en demeure pas moins que les familles sont obligées de consentir des sacrifices financiers pour faire plaisir à leurs enfants et maintenir cette tradition qui commence peu à peu à se défaire des moments spécifiques du Ramadhan. Deux mois avant le mois de Ramadhan, des milliers de familles ont investi les magasins de vêtements pour enfants et ont acheté le vêtement désiré pour leurs progénitures. Avec la même ambiance festive, les magasins spécialisés en habillement pour enfants ont connu le même engouement que pour celui des fruits et légumes. Entre boutiques de luxe, vêtements chinois, turcs et friperie, le mois de mai a été marqué par une frénésie sans précédant. Les commerces ont prospéré pour bon nombre de magasins. Deux mois durant, les magasins de vêtements n'ont pas désempli, avec des parents venus acheter des vêtements neufs pour leurs enfants. Les familles ont consenti beaucoup de sacrifices financiers pour maintenir cette tradition et faire plaisir à leurs enfants. Et si l'achat du vêtement de l'Aïd est laissé comme le veut la coutume à la 2ème quinzaine du Ramadhan, cela pourrait affecter le budget ramadhanesque. Selon certaines familles, il faut apprendre à mettre de l'ordre dans la gestion du budget, nous dit-on. Les ménages annabis ont tendance à s'orienter vers un mode de vie harmonieux. Ce dernier passe par l'harmonisation des dépenses en fonction des priorités. «Il n'y a pas que les vêtements de l'Aïd, il y a les dépenses du mois sacré, les vacances d'été, la rentrée scolaire et le mouton de l'Aïd, si on veut parvenir à couvrir toutes ces dépenses, il faut passer à la rationalisation des dépenses des besoins spécifiques à chaque période», nous a expliqué Hamou KH, sociologue à l'université de Batna. Contacté par téléphone, notre interlocuteur a précisé que «la société algérienne, dont fait partie la population annabie a tendance à s'ouvrir sur d'autres aspects de la vie sociale et économique. Aujourd'hui, la famille algérienne bien qu'affectée par la crise économique et l'impact de la dévaluation continue du dinar sur le pouvoir d'achat, la famille algérienne aspire toujours à un mode de vie approprié à son statut». En somme, et croit-on comprendre, la famille algérienne tente de reconquérir le sens du civisme, évitant les bousculades dans les rues et les magasins, à l'origine de l'anarchie dans les rues et ruelles de nos villes. Aussi, tenter de trouver la bonne affaire, loin de la spéculation ramadhanesque. Et puis se permettre un écart de dépenses à la faveur du mois sacré, sans pour autant oublier le côté épargne. Point capital pour les familles désireuses de passer des vacances en bord de mer, à défaut d'un voyage en Tunisie. C'est pour dire que l'achat des vêtements de l'Aïd, bien avant le mois de Ramadhan, est une nouvelle pratique à Annaba où les ménages semblent adopter une nouvelle comptabilité, pour résoudre l'équation des dépenses du mois de Ramadhan. Un comportement à la faveur d'un plan répondant à une feuille de route, régie par les priorités des familles. D'autres ménages, par contre, préfèrent acheter les vêtements de l'Aïd, après le f'tour, pour donner, un élan aux nuits festives du Ramadhan, qui loin de toutes considérations, vont continuer à perpétuer cette tradition de «Kessouet El Aïd» jusqu'au dernier jour du mois sacré.