Les plantes nous instruisent, mais elles ne nous guérissent pas de notre orgueil. L´ouvrage Plantes médicinales d´Algérie (*) de Abdelkader Beloued, rassure le lecteur sur bien des possibilités de se soulager le corps et l´esprit, sinon aussi l´âme. Ecrit pour les botanistes, les spécialistes de la pharmacie naturelle, pour les admirateurs et les respectueux de la nature, pour ceux qui, à un moment ou à un autre, ont eu la chance et la bonne idée de faire appel aux vertus des plantes conservées par les herboristes ou tout bonnement par quelque grand-mère, pour ceux-là et pour beaucoup d´autres, ce travail minutieux de laboratoire témoigne de la compétence de l´auteur et des bienfaits de la nature. Nous avons tous, un jour ou l´autre, habitants des villes ou des villages, fait une promenade dans les champs. Au moins une fois dans notre vie, nous avons tenu entre trois doigts une herbe frêle mais vivace et qui parfois est recherchée pour ses bienfaits dans certaines altérations de l´organisme humain. Cette herbe a un nom générique, celui de plante, car elle est fixée au sol par des racines et surtout elle se rapporte à une espèce qui croît dans des lieux où l´environnement lui est particulièrement favorable pour lui attribuer des caractéristiques et des qualités que prennent en considération, encore aujourd´hui, les herboristes pour confectionner des remèdes à bien des maux légers et sans gravité. À noter que, jadis et naguère - jusqu´en 1941, en Algérie -, certains herboristes étaient des professionnels titulaires d´un diplôme de la faculté de pharmacie les habilitant à apprécier et à vendre des plantes et des drogues simples. Et justement, la plante dite "simple" dans le langage si savant de la pharmacopée désigne, tout comme dans celui de la botanique, la plante médicinale, autrement dit, plante dotée d´une propriété curative. Ainsi, en va-t-il, par exemple, du chih (armoise), du za´tar (thym), du na´nâ´ (menthe), du thoûm (ail rocambole ou cultivée), du houlba (fenugrec), du biçât el mouloûk (sabline rouge), de la fanttâna (lierre grimpant), du sanoûdj (nigelle cultivée), du merdqoûch (marjolaine),... De plus, ces plantes, bien que classées scientifiquement sous des noms codifiés et latinisés, sont encore dénommées chez nous par leurs caractéristiques familières: forme, odeur, saveur, couleur, usage, particularité saillante, parler de la région. L´histoire, la langue vernaculaire, la religion, les us et coutumes s´y mêlent et, parfois, tour à tour, emportent ou partagent la décision. Maintenant, il faut le dire, de nombreux ouvrages ont déjà été consacrés aux plantes médicinales de nos contrées à des époques anciennes et différentes. Sans parler de l´Andalou, Ibn El-Beithar, vers 1220, qui cite dans son Traité des simples quelques plantes avec leurs dénominations berbères ou arabes ; Shaw (1738) qui, après un voyage "en Barbarie", catalogue 632 espèces "avec leurs noms indigènes", ainsi que Bouderba (1859), collecteur occasionnel de plantes dans le Sahara, Letourneux, botaniste (entre 1851 et 1891), Jourdan (1864), auteur des Flores murales de Tlemcen et du Tombeau de la Chrétienne, Duveyrier dans les Touaregs du Nord (1864) et d´autres qui font autorité dans ce domaine comme le Dr L. Trabut qui, en 1935, a publié un solide Répertoire des Noms indigènes des Plantes spontanées, cultivées et utilisées dans le Nord de l´Afrique. Aussi, en dehors de toute critique que l´on pourrait faire en se référant au contexte contraignant et exclusif imposé par les objectifs militaires, politiques, économiques et culturels de la colonisation, doit-on constater que les recherches citées et leurs résultats ont permis de constituer une sorte de corpus des plantes médicinales d´Algérie. Que Abdelkader Beloued soit intervenu bel et bien pour repréciser, étoffer, corriger, compléter les données de ce qui existe avec son travail de longue haleine et à l´odeur de nos régions et de nos foyers, à l´expérience et à la croyance de nos hommes et de nos femmes - notamment nos grands-mères des campagnes qui dament souvent le pion au "tabib Eskoli" qui rend la santé malade -, cela enchante et enrichit. Car Beloued a réalisé une oeuvre utile. Il donne une fiche attendue et détaillée sur l´emploi et les vertus thérapeutiques de chaque plante présentée. En technicien supérieur averti de l´Institut national agronomique d´El-Harrach (Alger), il assume magnifiquement seul une étude riche, fort documentée et illustrée par des figures au trait et par des photographies en couleur. Cette étude, qui "réclame un appui en faveur d´une orientation de la sciences des plantes", sera, sans aucun doute, une chiquenaude tendre mais puissante pour relancer la préservation de la culture de cette flore précieuse, non seulement à la pharmacie algérienne, mais aussi, en quelque manière, à notre culture tout court. Si l´on peut, si l´on veut. Mais, certes, les plantes nous soulagent de tous les maux, sauf de notre orgueil !... (*) Plantes médicinales d´Algérie par Abdelkader Beloued OPU. Alger, 2001, 284 pages.