Dans une conférence à Philadelphie, le secrétaire général de l'ONU a fait le parallèle entres les idéaux américains et onusiens. En présentant lundi à New York, au siège de l'ONU, un projet de résolution sur la réforme de l'ONU, Berlin, Tokyo, Delhi et Brasilia donnent de fait le coup d'envoi à la campagne diplomatique pour l'élargissement du Conseil de sécurité. Dans le même temps, à Philadelphie, capitale historique américaine de la Déclaration d'indépendance, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, s'adressant aux nouveaux diplômés de l'université de Pennsylvanie, mettra en exergue la confluence des idéaux défendus par les pères fondateurs des Etats-Unis et ceux ayant présidé à la création des Nations unies, ceci dans l'optique de désarmer la défiance dont est l'objet l'organisation internationale de la part des Américains et singulièrement de l'Administration Bush et des néo-conservateurs. Argumentant ce concept, le secrétaire général de l'ONU affirma que «Les Etats-Unis d'Amérique ce n'est pas seulement un pays, c'est une idée, inscrite dans la Déclaration d'indépendance signée ici à Philadelphie par Benjamin Franklin et d'autres, selon laquelle tous les hommes sont égaux et ont des droits inaliénables». Se fondant sur cette notion d'égalité, M.Annan dira: «L'ONU aussi, c'est une idée. Elle incarne la conviction très répandue dans le monde que nous vivons sur une petite planète et que notre sécurité, notre prospérité, nos droits -en fait nos libertés- sont indivisibles». Il ne manqua pas de relever par ailleurs comment les Américains, -enfermés dans leur superbe isolationnisme et estimant n'être en rien concernés par ce qui se passe ailleurs dans le monde-, ont fini par comprendre l'interaction entre les peuples et les Nations. Kofi Annan, donnera comme exemple le Seconde Guerre mondiale indiquant: «Pearl Harbor a prouvé que cette idée (l'isolationnisme) était fausse en pratique et les horreurs de l'Holocauste qu'elle l'était encore plus, d'un point de vue de la responsabilité éthique». Il dira aux jeunes diplômés: «Vous avez vous aussi appris cette leçon», soulignant: «Comment un pays pauvre et mal gouverné -l'Afghanistan- a pu devenir un incubateur pour le terrorisme, avec des conséquences dévastatrices ici même, aux Etats-Unis.» M.Annan a aussi rendu hommage au président américain Franklin Roosevelt, un des initiateurs en 1945 de la création de l'ONU, affirmant: «La Charte de l'ONU, un des grands documents qui jalonnent l'histoire de l'humanité, est fondée sur la vision de Roosevelt selon laquelle la démocratie, la paix et des conditions de vie décentes devraient être le droit de tous, dès la naissance». Toutefois, cette Charte de l'ONU, si elle a joué un grand rôle, notamment dans l'émancipation des peuples, est aujourd'hui, tous les experts s'accordent à l'admettre, obsolète et ne répond plus à la nouvelle donne géopolitique mondiale. C'est dans la perspective de dépoussiérer l'instance onusienne que le secrétaire général de l'ONU a justement proposé une refonte en profondeur de l'organisation internationale par, notamment, la réforme du Conseil de sécurité. En fait de réformes, seul l'un de ses aspects, l'élargissement, qui semble présenter un certain consensus, singulièrement auprès des pays ambitionnant d'être cooptés en tant que membres permanents dudit Conseil de sécurité. C'est notamment le cas de l'Allemagne, du Brésil, du Japon et de l'Inde qui ont donné lundi le coup d'envoi d'une grande campagne diplomatique, qui atteindra son point d'orgue en septembre lors de l'Assemblée générale et aboutira sans doute à un élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies avec à la clé, un siège permanent pour chacun d'eux. C'est du moins l'espoir du G-Quatre (Berlin, Brasilia, New Delhi et Tokyo) qui s'est lancé dans la longue course au siège permanent en présentant lundi un projet de résolution qui prévoit l'élargissement du Conseil de sécurité à 25 membres contre 15 actuellement. Légèrement différent du prototype révélé, au début de l'année, par le secrétaire général de l'ONU, -lequel propose l'élargissement à 24 membres-, le projet du G-4 prévoit la création de six sièges permanents selon un découpage géographique (Asie -2 sièges-, Afrique - 2 également, un siège pour l'Amérique latine et un autre pour Europe ‘'Occidentale'') et quatre non permanents sans que toutefois le projet précise leurs destinataires, mais qui, selon toute vraisemblance, serait attribués à l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine et l'Europe de l'Est. Le projet du G-4 n'explique pas les critères qui ont guidé ses choix. Mais à l'évidence, le projet des quatre reste une base de travail, d'autant plus que l'Allemagne, le Japon, l'Inde et le Brésil insistent pour que les nouveaux sièges permanents soient dotés des mêmes attributs que ceux détenus par les «cinq» historiques, c'est-à-dire essentiellement le droit de veto. Alors que l'on s'attendait à ce que soit proposée la suppression pure et simple du droit de veto qui, outre de paralyser le fonctionnement du Conseil de sécurité, assure une impunité injustifiée à certains Etats (cf. les 85 veto américains, depuis 1947, en faveur d'Israël soustrayant, à maintes reprises, l'Etat hébreu à la condamnation internationale pour son occupation des territoires et les exactions contre le peuple palestinien). Or, le G-4 revendique le droit de veto pour les futurs membres permanents affirmant que «tous les membres permanents devraient avoir les mêmes responsabilités et les mêmes droits». Les quatre ne font pas cependant de cette opportunité une question sine qua non. De fait, si Washington soutient l'accession des quatre pays à un siège permanent, il s'oppose en revanche à ce qu'ils bénéficient du droit de veto. Ainsi, selon le New York Times Washington avait averti le Japon, l'Inde, l'Allemagne et le Brésil que les «Etats-Unis n'appuieraient pas leur démarche en vue de devenir membres permanents s'ils ne renonçaient pas au droit de veto». Cette «mise au point» américaine, outre de montrer l'égoïsme des grandes puissances indique aussi que celles-ci qui focalisent en priorité sur leurs intérêts propres, ne sont pas prêtes à voir l'émergence d'une Organisation des Nations unies vraiment souveraine et apte à prendre en charge l'ensemble des problèmes qui se posent à la communauté humaine. Aussi, il y a de forts risques que la réforme de l'ONU soit le bide du millénium.