Beaucoup d'entrepreneurs agissaient avec des prête-noms, nombre d'entre eux passaient par la sous-traitance. Le 13 juin 2003, en l'occurrence un mois après le séisme qui a ébranlé les villes de Boumerdès et d'Alger, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme décide de déposer plainte contre X. Une décision prise à la suite du rapport de la commission d'enquête qui avait soulevé «l'erreur humaine». Ce même document avait souligné que «l'ampleur des dégâts occasionnés par la très forte secousse tellurique aurait pu être beaucoup moins importante si les normes de construction avaient été respectées». Deux ans après, quelle suite a été donnée à cette affaire? Interrogé par nos soins, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, M.Mohamed Nadir Hamimid, aura cette réponse: «Posez la question à la justice». On n'aura pas plus de détails au niveau du ministère de la Justice. «Les procureurs d'Alger et de Boumerdès ont été saisis du dossier, lesquels ont chargé les cours compétentes de l'affaire», nous dit-on au niveau de ce département. Mais, selon des sources proches de l'affaire, aucune avancée réelle n'a été enregistrée au niveau de l'enquête. «Les juges d'instruction continuent d'auditionner les parties concernées.» Officiellement donc, et toujours selon notre source, aucune personne physique ou morale n'a été inculpée dans cette affaire. Ce qui est tout à fait logique pour les experts judiciaires. «Il est beaucoup plus important de clôturer le dossier et de consacrer les efforts sur le relogement des sinistrés et la reconstruction des zones touchées, selon les normes», précise Mme Fatima Benbrahem. Et pour cause, «il est quasiment impossible de définir les responsabilités dans cette catastrophe. Si nous voulons un procès juste, il faut remonter dans le temps et auditionner tous les responsables et les intervenants dans l'acte de bâtir depuis 1962». Mme Benbrahem ajoute que le séisme est classé dans la catégorie des forces majeures. La loi est claire dans ce sens. Elle stipule que «laforce majeure est constituée, lorsqu'un évènement indépendant de la volonté des contractants et imprévisible par eux, au moment de l'exécution du contrat, rend impossible l'exécution de celui-ci ou l'une des obligations». Comment expliquer donc les conclusions de la commission d'enquête installée par le ministère de l'Habitat? «Le rapport de celle-ci n'a pas identifié les responsables mais s'est contenté de faire un constat qui a servi de base pour l'action en justice, mais n'a apporté, par ailleurs, aucun élément d'éclaircissement sur le sujet, ce qui rend très difficile le travail de la justice». par ailleurs, ajoute-t-elle «ce rapport n'a aucune valeur juridique. Premièrement, parce que les experts sélectionnés par le ministère de l'Habitat ne sont pas agréés par le ministère de la Justice, donc n'ayant pas prêté serment. Deuxièmement, le ministère est devenu juge et partie, en procédant à la désignation de la commission d'enquête à laquelle ont pris part des agents du CTC, «un organisme de contrôle qui a pénalement une responsabilité dans la catastrophe». Toujours dans la liste des difficultés auxquelles devra faire face la justice, notre interlocutrice cite un exemple illustratif ayant trait à la garantie de l'immeuble qui ne dépasse pas les 10 ans. «Les immeubles sont soumis à la garantie décennale qui engage, en cas d'accident, la responsabilité du maître de l'ouvrage et du maître de l'oeuvre en cas d'accident. Mais cette responsabilité civile s'éteint une fois le délai expiré, or il s'avère qu' une bonne partie des bâtisses qui se sont effondrées ont plus de dix ans» précise notre juriste: «Il faut, dans ce cas, chercher ailleurs et essayer de répondre à d'autres interrogations». Juridiquement parlant, dans le cas des grandes agglomérations, le premier responsable est l'administration qui a ordonné le chantier, vient en deuxième lieu, tous les intervenants dans l'acte de bâtir (CTC, les constructeurs, les APC, les entrepreneurs, etc.). Concernant les constructions privées, c'est le propriétaire qui n'a pas respecté le processus normal prévu par la loi qui est montré du doigt et vient se greffer après celui de l'administration locale l'APC. L'autre obstacle, c'est l'absence de la preuve matérielle. «Le ministère a pris beaucoup de temps avant de saisir la justice». Le corps du délit est absent, sachant que l'enquête fut déclenchée après le déblaiement des zones sinistrées. «La justice aurait pu déclencher une expertise immédiate au lendemain de la catastrophe, chose qui n'a pas été faite.»