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Les tribulations d'un baril désabusé
DE L'ACCORD D'ALGER À LA CRISE DIPLOMATIQUE DU MOYEN-ORIENT
Publié dans L'Expression le 08 - 06 - 2017


Le baril monte et descend au gré de la politique
Le feuilleton de la dégringolade des prix du pétrole est sans doute loin de tirer à sa fin après que l'Arabie saoudite et ses alliés ont décidé d'isoler le Qatar.
L'année 2017 avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices. L'Opep et ses alliés allaient mettre en oeuvre la baisse de leur production de près de 1,8 million de barils par jour prise le 10 décembre à Vienne. Une décision qui a eu pour socle l'accord historique d'Alger qui a vu le jour le 28 septembre 2016 lors d'un sommet de l'Opep qui s'est tenu en marge du 15ème Forum international de l'Energie. Un événement que la presse internationale avait salué. Elle n'est pas tombée du ciel. Après l'échec de Doha qui aurait dû déboucher sur un gel de la production des pays producteurs torpillé par des dissensions entre Riyadh et Téhéran, l'offensive diplomatique sans précédent, lancée par l'Algérie et initiée par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, pour sensibiliser les pays producteurs (Opep et non-Opep) à la dégringolade des prix du pétrole allait entrer en scène.
Une botte secrète préparée de longue date qui s'y est frayé un passage. Presque par effraction. Cette initiative a eu pour acteur de premier plan le Venezuela. Plus que n'importe quel autre pays producteur il aura souffert de la chute des cours de l'or noir au point de se retrouver au bord d'une guerre civile. Les deux pays s'étaient concertés cinq mois, à peine, après le déclenchement de la dégringolade des prix du pétrole. «Nous avons évoqué le marché pétrolier international et réaffirmé notre position à défendre le prix du pétrole», avait déclaré le ministre du Pouvoir populaire pour les Relations extérieures du Venezuela, Rafael Ramirez, au mois de novembre 2014, à Alger, à l'issue d'un entretien avec le chef de l'Etat.
Trois hommes ont été chargés d'ouvrir un front diplomatique pour que cet objectif de longue haleine se concrétise. L'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal devait sensibiliser les chefs d'Etat africains à travers des messages que leur avait adressés le président de la République, l'actuel ministre de la Justice, Tayeb Louh, s'est déplacé à Riyadh pour faire fléchir la position du chef de file de l'Opep qui avait opté pour le statu quo alors que les prix du pétrole ne cessaient de plonger. L'ancien ministre de l'Energie Youcef Yousfi, s'est rendu en Azerbaïdjan, importante puissance pétrolière régionale du Caucase. La toile était tissée. Entre-temps son chef de file de l'Opep venait de déboulonner son inamovible ministre du Pétrole, Ali al-Nouaïmi. Vraisemblablement, le dernier verrou qui devait ouvrir la porte à une baisse de la production de l'Opep venait de sauter. Le processus allait s'enclencher.
L'espoir
L'Opep décide de retirer 1,2 million de barils par jour. Ses 11 alliés dont la Russie 600.000 barils par jour. Une mesure qui entrera en action le 1er janvier 2017. Des signaux donnaient la nette impression que le marché était sur le chemin qui devait le mener à l'équilibre. L'Opep et l'Agence internationale de l'Energie qui est réputée à ne pas lui faire de cadeaux sans s'enflammer en faisaient état. «Cette première coupe est certainement l'une des plus importantes, jamais réalisée dans l'histoire des initiatives prises par l'Opep pour réduire sa production», avait souligné le bras énergétique armé des pays de l'Ocde dans son rapport mensuel publié le mois de février. «Le dernier rapport de l'AIE montre que les baisses de production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) atteignent des niveaux quasiment sans précédent, et que la demande de brut grimpe avec une activité industrielle mondiale soutenue», soulignait Joshua Mahony, analyste chez IG. Les cours de l'or noir qui évoluaient autour de 27 dollars à la mi-janvier 2016 ont bondi à plus de 58 dollars à Londres et au-dessus des 54 dollars à New York, le 3 janvier 2017. Puis vinrent les frappes américaines contre une base militaire en Syrie dans la nuit du 6 au 7 janvier 2017 qui ont sonné un coup de fouet limité, cependant, aux cours de l'or noir. En plus de ce facteur géopolitique sont venus s'ajouter des perturbations de la production qui ont favorisé la persistance de cette conjoncture haussière. «De fortes perturbations de la production continuent de doper les prix. Nous savions déjà pour les extractions canadiennes, mais le principal champ pétrolier de Libye est à nouveau au point mort», avaient signalé les analystes du second groupe bancaire allemand, Commerzbank. L'envolée n'aura finalement pas lieu.
La désillusion
L'annonce de la reconduction de la baisse des pays Opep-hors Opep jusqu'en mars 2018 qui avait redonné du punch aux prix du pétrole a été d'une inefficacité déconcertante. Le recul des réserves de pétrole brut aux Etats-Unis de 6,4 millions de baril au cours de la semaine achevée le 26 mai et les stocks d'essence qui ont reflué de 2,9 millions de barils selon les chiffres publiés, le 1er juin par le département américain de l'Energie (Doe) n'ont pas suffi pour faire rebondir les prix. Ils ont même plongé sous la barre des 50 dollars. Le retrait des Etats-Unis des accords de Paris sur le climat a ravivé les craintes sur une recrudescence de la production américaine qui déséquilibrerait davantage le marché.
Le président américain a réussi à les plomber. «En mettant les problématiques environnementales en veilleuse, les Etats-Unis soutiennent leur industrie des énergies fossiles, ce qui pourrait doper les extractions déjà florissantes de pétrole de schiste», ont expliqué les analystes de PVM tandis que «la récente décision de l'Opep de renouveler ses baisses de production a été traitée avec dédain...», a fait remarquer par ailleurs Josh Mahony, analyste chez IG.
Le baril n'était cependant pas au bout de ses peines. La rupture des relations diplomatiques entre l'Arabie saoudite et le Qatar, deux pays membres de l'Opep a mis en exergue la cohésion au sein du cartel ainsi que sa capacité à faire respecter les quotas de la baisse de sa production. «Il y a plusieurs dangers qui pèsent sur la remontée des prix» dont les tensions géopolitiques» qui «pourraient mettre à mal l'accord de l'Opep», estiment les analystes de PVM. Hier vers 16h30 à Alger le baril reculait de 1,77 dollar pour s'échanger à 48,55 dollars. Le cauchemar continue.


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