La publication de photos humiliantes de l'ex-président irakien, est-ce de l'information ? Le directeur de la rédaction du Sun, Graham Dudman estime que oui en indiquant que «ce sont des photos d'actualité fantastiques, emblématiques. Je défie n'importe quel journal, magazine ou chaîne de télévision qui les auraient reçues de ne pas les publier». Certes ! Mais laissez-nous dire que nous ne partageons pas cet avis. Saddam Hussein doit être jugé et condamné pour les crimes commis contre son peuple, et singulièrement contre le peuple kurde mais, professionnellement et moralement, rien ne justifie la diffusion de photos qui, par leur caractère vil sont plus proches de publications de caniveau plus soucieuses de sensationnalisme et de scoops que de faits pouvant éclairer le drame que vit depuis deux ans le peuple irakien. Saddam Hussein en «petite tenue» n'est en aucun cas une information ou un fait probant et n'apporte nul élément à la compréhension de la situation qui est celle de l'Irak. Alors est-ce de la guerre psychologique? Contre qui? La guérilla, la résistance irakiennes? Or, cela peut, a contrario, se solder par l'effet contraire et donner de nouvelles raisons de motiver les troupes en les incitant à se mobiliser davantage contre l'occupation de l'Irak. De fait, la publication vendredi par le tabloïd britannique le Sun et le quotidien new-yorkais, le New York Post, d'une série de photos du président déchu irakien, Saddam Hussein, notamment l'une le montrant en slip, n'est qu'un nouveau scandale gravitant autour de l'armée américaine et la façon avec laquelle elle gère l'occupation de l'Irak et ses retombées sociales, politiques et militaires. Le scandale des photos de Saddam Hussein, détenu au secret, - seuls des militaires américains triés sur le volet peuvent approcher l'illustre prisonnier-, ne fait que mettre en exergue d'autres scandales comme celui de la profanation du Coran par des soldats US dans la base américaine de Guantanamo et le scandale de la prison Abou Ghraib où les prisonniers irakiens ont subi des tortures de la part de leurs gardiens américains. Ce sont autant de dépassements qui, tout en suscitant des interrogations, disent toute la morgue de militaires, fonctionnaires et autres agents spéciaux américains, envers une population qu'ils écrasent de leur puissance et de leur mépris, sûrs qu'ils sont de leur impunité. (cf ; une soldate américaine impliquée dans l'affaire Abou Ghraib n'a écopé que de six mois de prison). Les photos de Saddam Hussein, dont personne se sait le lieu de détention, n'ont pu atterrir dans les rédactions britannique et américaine, que du fait de militaires, - que ceux-ci soient subalternes ou hauts placés -, ce qui engagent totalement la responsabilité de l'administration Bush, quoique le Pentagone et la Maison-Blanche se défendent d'avoir eu connaissance d'un tel forfait. L'armée américaine a estimé vendredi que l'origine de ces photos était «inconnue» mais qu'elles «pourraient remonter à plus d'un an» et constituaient une «violation des règlements du département de la Défense et probablement des conventions de Genève sur le traitement des détenus». Or, selon le Sun, ces photos ont été obtenues de «sources militaires américaines», indiquant même connaître l'endroit où est détenu l'ancien maître de Bagdad. Ce sont encore des militaires américains qui ont diffusé les photos de Saddam Hussein, lors de son arrestation en décembre 2003, un Saddam hagard en train de se faire examiner, comme une bête, sa dentition par un médecin. Déjà à l'époque, ces photos ont suscité des protestations et ont été considérées comme humiliantes pour l'ancien dictateur. Comme hier, en publiant une photo de Saddam Hussein en slip, les auteurs de cette diffusion, tout en humiliant l'ancien dirigeant irakien, espèrent que ces images auront des effets sur le moral de la résistance. Interrogé sur le fait que ces photos auraient pu être délibérément remises à la presse pour saper la résistance en Irak, un porte-parole du Pentagone a indiqué : «Je ne peux rien exclure, mais je peux vous dire que notre politique est de ne pas publier des photos de détenus et de nous conformer au code qui est de ne pas les exposer à la curiosité publique». Mais l'affaire prend une autre dimension lorsque le président américain George W.Bush en tentant de minimiser la portée du scandale commet un autre impair en indiquant : «Je ne pense pas qu'une photo déclenche des meurtres. Je pense qu'ils (les terroristes) sont inspirés par une idéologie qui est si barbare et rétrograde que beaucoup dans le monde occidental ne peuvent pas comprendre leur façon de penser». M.Bush ne semble pas mesurer ses paroles, car cette idéologie qu'il qualifie de «barbare» et que, selon lui, le monde occidental ne comprend pas, est celle-là même qui a produit le wahhabisme, l'un des plus sûrs alliés des Etats-Unis, que Washington souhaiterait voir se répandre sur l'ensemble du monde arabe et musulman. Pour dire que le président américain n'a rien compris au monde arabo-musulman qu'il prétend vouloir réformer. Reste toutefois les non-dits de photos qui s'ajoutent à la série de scandales qui jalonnent le parcours d'un empire américain qui veut soumettre les peuples par la trique.