Selon Ferhat Ait Ali, les mesures non conventionnelles dont il est question dans le Plan d'action du gouvernement ne renvoient à rien de précis si ce n'est le recours à une planche à billets à grande échelle. Faire face à la crise induite par la chute des prix du pétrole est une priorité pour le gouvernement. Et pour y parvenir,des financements alternatifs doivent être mobilisés et c'est, semble-t-il, le défi de l'équipe Tebboune. En effet, lors du Conseil des ministres de mercredi dernier, l'accent a été mis, dans le plan de travail du gouvernement, sur «la modernisation des finances publiques et du système bancaire, l'assainissement de la sphère économique et la promotion de l'investissement, ainsi que la valorisation de toutes les richesses du pays.» Pour ce faire, le président de la République, qui reconnaît que la crise des prix du pétrole s'est installée dans la durée et qu'elle nous impose des défis majeurs, notamment la dynamisation des réformes à mettre en place, a appelé à «poursuivre la mise en oeuvre de la politique de rationalisation budgétaire» et «à promouvoir des financements internes non conventionnels qui pourraient être mobilisés pendant quelques années de transition financière». L'objectif assigné au gouvernement et qui consiste à mobiliser des financements internes tout en évitant le recours à l'endettement extérieur, solennellement écarté par le chef de l'Etat dans ses recommandations, est on ne peut plus à saluer. Toutefois, un flou certain entoure l'idée de financements non-conventionnels» que le gouvernement est appelé à mobiliser. A quoi renvoie ce concept précisément? L'une des principales mesures considérées comme non conventionnelle dans la politique monétaire, c'est l'assouplissement qualitatif qui consiste pour la Banque centrale à alléger les règles d'accès à ses opérations de refinancements bancaires, en élargissant la catégorie des actifs éligibles que les banques sont tenues de lui apporter en échange des liquidités fournies. Cet assouplissement conduit les banques à moins hésiter dans leur prise de risques, et donc à accorder davantage de prêts à des entreprises. Une telle mesure peut en effet constituer une démarche facilitatrice en matière de financement de l'économie. D'ailleurs, bien des économistes l'ont recommandée à maintes reprises, à leur tête Abdelhamid Temmar qui a toujours considéré que «la réforme de la Banque centrale était une priorité» parce que, à ses yeux, elle constituait le principal obstacle au décollage de l'économie nationale. Toutefois, l'expert en finances Ferhat Ait Ali exclut cette idée. Car, selon lui, la Banque centrale elle-même n'a pas de réserves pour refinancer. «Pour donner de l'argent, il faut l'avoir, et justement les actifs qui permettent de créer ex nihilo de la monnaie en écritures dans les banques sont eux-mêmes foireux. La Banque centrale ne donne pas d'argent. Elle permet juste d'en créer en se basant sur un ratio de 10 fois les réserves comme maximum, et si on inclut les actifs dans les réserves, c'est une forme de planche à billets à grande échelle», explique-t-il. Ainsi, selon Ferhat Aït Ali, les mesure non conventionnelles dont il est question dans le Plan d'action du gouvernement ne renvoient à rien de précis si ce n'est le recours à une planche à billets à grande échelle. Toutefois, il considère qu'il existe un bouclier qui peut aider à faire face à la crise: la dévaluation massive du dinar. «Sauf dévaluation massive, il n'y aura aucune baisse des importations, et notre problème est dans ces importations. Elles mèneront de toutes manières à cette dévaluation, une dévaluation qui va casser l'importation en partie, renflouer les entreprises à fort taux d'intégration et freiner les autres à forte dépendances aux importations, tout en favorisant une éventuelle exportation de produits plus compétitifs en matière de prix, à condition bien sûr de ne pas générer une inflation à deux chiffres, qui ne passera pas sans remous sociaux», estime Ferhat Aït Ali.