Le Royaume-Uni vient de traverser une année marquée par une improbable série de bouleversements politiques et de drames qui mettent sa cohésion durement à l'épreuve, en faisant une «annus horribilis». L'expression vient de la reine Elizabeth II, qui évoquait ainsi, en 1992, une année marquée par les problèmes conjugaux de la famille royale. La souveraine a cette fois adressé à ses sujets un message d'une gravité inhabituelle, parlant de la «très sombre humeur nationale» et invitant les Britanniques à puiser dans leurs ressources pour répondre à une «succession de terribles tragédies». Depuis qu'elle s'est exprimée, samedi, un nouvel attentat s'est produit et le nombre de victimes dans l'incendie dramatique d'une tour de logements sociaux à Londres s'est alourdi à 79 morts. La série d'attentats démarre le 22 mars quand un homme fonce dans la foule avec son véhicule sur le pont qui enjambe la Tamise avant de poignarder mortellement un policier. L'attaque fait cinq morts. Son auteur, Khalid Masood, un Britannique converti à l'islam, est abattu par la police. C'est le premier de trois attentats revendiqués par le groupe Etat islamique. Le 18 avril, la Première ministre Theresa May croit bon de convoquer des élections anticipées pour élargir sa majorité absolue de 17 députés et négocier plus tranquillement la sortie de l'Union européenne. Elle pense alors que l'affaire est dans le sac puisque l'opposition travailliste semble en plein désarroi, son chef, le gauchisant Jeremy Corbyn, affrontant rébellion sur rébellion. Le 22 mai, un jeune Britannique d'origine libyenne se fait exploser à la sortie d'un concert de la chanteuse américaine Ariana Grande à Manchester (nord-ouest), faisant 22 morts et une centaine de blessés. Le pays bouleversé, recommence à égrener le nom des victimes, seulement cette fois, il y a bon nombre d'enfants et le choc émotionnel est encore plus terrible. La série noire continue: dans la soirée du 3 juin, à cinq jours des législatives, une camionnette fonce sur la foule sur le London Bridge, puis ses trois occupants en sortent armés de couteaux et poignardent des passants dans le quartier contigu de Borough Market, avant d'être abattus par la police. Bilan: huit morts et une cinquantaine de blessés. La sauvagerie de ces meurtres accroît l'horreur et Theresa May prévient qu'il s'agit peut-être du début d'une vague d'attentats. Quelques jours plus tard, les législatives du 8 juin lui infligent une grande gifle: son Parti conservateur perd la majorité absolue. Les jeunes qui se mobilisent contre le Brexit, les coupes dans les budgets sociaux et les effectifs de police et une campagne menée mécaniquement expliquent cette déroute. Jusqu'au drame de l'incendie de la tour de Grenfell, dans le quartier londonien huppé de Kensington. Le cauchemar atteint des sommets, 79 habitants, des pauvres, meurent dans un quartier de riches. Theresa May se rend une première fois sur place sans rencontrer les survivants. La reine, Corbyn, eux, viennent leur exprimer leur compassion. Comme si cela ne devait jamais s'arrêter, le 19 juin, reprenant le modus operandi des deux attentats précédents à Londres, un homme de 47 ans fonce à bord d'une camionnette dans la foule des fidèles qui sortent d'une prière nocturne du Ramadhan, près de la mosquée de Finsbury Park, faisant 11 blessés. L'homme crie sa volonté de tuer des musulmans, selon un témoin, avant d'être maîtrisé par des passants. La série noire avait commencé il y a un an, une semaine avant le référendum sur la sortie de l'Union européenne. Le 16 juin 2016, la députée travailliste europhile Jo Cox est tuée par un sympathisant pro-nazi, Thomas Mair. L'irruption d'une telle violence, inconnue depuis les années des nationalistes irlandais de l'IRA, bouleverse le pays. Mais elle ne fait pas basculer le vote en faveur du camp europhile et une semaine plus tard, le 23 juin, les Britanniques votent pour le Brexit. Un véritable séisme, qui divise le pays et le lance en terrain inconnu. Car personne ne sait de quoi sera faite la future relation avec l'UE. Le 19 juin se sont ouvert à Bruxelles les négociations du Brexit, peu après les législatives qui ont affaibli Theresa May. Et elles commencent mal pour les Britanniques, contraints d'accepter de discuter d'abord des conditions de départ alors qu'ils voulaient d'emblée négocier les futures relations commerciales.