A la veille d'un rendez-vous régional Mohammed VI gâche la fête. Fermées par l'Algérie en 1994 en réaction à la décision marocaine d'imposer le visa aux ressortissant algériens et les humiliations que ces derniers ont dû subir, du fait du zèle des autorités marocaines à appliquer la mesure prise unilatéralement par le défunt roi Hassan II, les frontières entre les deux pays ne sont pas prêtes d'être rouvertes de sitôt. En effet, la décision du roi Mohammed VI de boycotter le sommet de l'UMA, compromettant par là même la relance de l'édifice maghrébin, est de nature à refroidir durablement les relations entre Alger et Rabat. C'est ainsi que l'espoir suscité par la suppression des visas entre les deux pays s'envole, au grand désespoir des populations du Maroc oriental. L'on se souvient en effet que la décision de supprimer les visas d'entrée en Algérie avait été accueillie par des youyous dans la ville de Oujda et très favorablement reçu, par les médias du royaume qui y ont vu un prélude à la réouverture des frontières entre les deux pays. Les Marocains n'ont en fait pas oublié tout le bénéfice qu'ils ont tiré du temps où le passage entre Maghnia et Oujda était grand ouvert, signe, à l'époque, de la volonté d'Alger de renouer les fils entre les deux sociétés dans la perspective de la construction d'un grand espace économique commun. Vers la fin des années 80, Algériens et Marocains n'avaient pas la même liberté de circulation. En effet, alors que pour les premiers l'obtention d'un passeport relevait d'une démarche administrative anodine, pour les seconds, par contre, le fameux doucement n'était accessible qu'à une classe privilégié de la population. Résultat : le flux humain, et donc financier, n'était que dans un seul sens. Un état de fait qui a vu l'équivalent de quelque 2 milliards de dollars traverser quotidiennement la frontière et permettait à des millions de Marocains de vivre du commerce et du tourisme algérien. D'ailleurs, les plus belles années du Maroc, en termes de croissance économique, se confondent avec la période où les frontières étaient ouvertes. Les chiffres du tourisme marocain qui avaient explosé entre 89 et 94 ont été obtenus pour moitié grâce aux Algériens. Il est clair donc que les Algériens ont très largement participé à l'essor de l'économie du royaume, des années durant. Au lieu de soutenir une conjoncture socio-économique plus que favorable pour toute la partie orientale de son pays, le roi Hassan II avait commis l'irréparable en expulsant manu militari tous les Algériens qui séjournaient en touristes dans le royaume. Pis encore, les compatriotes qui vivaient au Maroc ont été dépossédés de leurs biens, créant de fait une situation d'injustice manifeste à l'encontre de nombreux Algériens. Avec le retour de la sécurité dans le pays, le discours du Palais royal a changé et les appels du pied pour la réouverture des frontières se sont faits de plus en plus insistants. Au point, d'ailleurs, que les premiers ministres qui se sont succédé à la tête des gouvernements de Sa majesté ont tous fait de la question des frontières l'une de leur priorité. Aujourd'hui et à la veille d'un rendez-vous régional qui aurait pu déboucher justement sur la réouverture des frontières, Mohammed VI gâche la fête pour ses sujets et fait faire au Maghreb un bond de plus d'une dizaine d'années en arrière. Par son refus d'assister au sommet de l'UMA de Tripoli, le roi a tout simplement fermé la porte à la figure de millions de Marocains qui devront se remettre à l'évidence que l'abcès de fixation que fait leur souverain sur la question sahraouie, leur ôte tout espoir de vie meilleure.