La résistance est d'abord une sagesse, car elle libère la conscience. A bien des égards, résister, ce n'est ni le «non» ni le «oui» des philosophes, mais peut-être simplement le sursaut d'une conscience en formation continue. Elle nous parle avant qu'on lui parle, et c'est par ainsi que c'est toujours elle qui nous prend. Aussi n'est-ce pas pourquoi prend-on conscience après? L'ouvrage Du Djebel aux rizières (*) de Abderrezak Bouhara me donne ce sentiment éclatant de la conscience révolutionnaire de l'homme par le fait d'être homme juste, courageux et généreux dans l'action... Et puis l'itinéraire est exaltant! Dans un précédent ouvrage, les Viviers de la libération, Abderrezak Bouhara s'était consacré à l'évocation d'une culture de résistance pour nous ramener à sa propre réflexion: «Je me suis posé la question, écrivait-il, de savoir pourquoi en l'espace de quelques décennies, un pays comme le nôtre qui se situait à l'avant-garde de la lutte pour la liberté et la justice et qui apparaissait comme une référence pour le combat contre l'exploitation et le sous-développement, un pays qui était si fier de son projet politique et de sa Révolution, un pays qui s'est hissé au premier plan du mouvement mondial pour la démocratisation des relations internationales, a connu tant de désillusion et tant de déboires?». Acteur total, brave parmi les braves, l'auteur demeure face à ses légitimes questions, à toutes celles qui interpellent, depuis 1962, les militants de l'édification nationale et qui comme lui ont occupé ou occupent des postes importants dans l'ANP, dans l'Administration civile, dans un parti politique et au Gouvernement. Né à Collo, Bouhara avait alors célébré une nostalgie de bon aloi de sa région où s'étaient forgés tant de valeureux combattants nationalistes. De cela les lecteurs avaient été instruits et touchés. Du Djebel aux rizières, l'auteur, qui reste toujours le témoin essentiel dans ce livre, raconte, «par devoir de mémoire et par souci de contribuer à défendre la vérité», une vie d'homme dans un contexte de vie exceptionnelle où transparaissent «ses sentiments, sa bravoure, ses certitudes, ses exaltations, ses espoirs et ses grands moments d'enthousiasme.» Des questions continuent d'assaillir Bouhara «dans cette nouvelle Algérie, à la fois traumatisée et aguerrie par une épreuve particulièrement douloureuse, [et qui] nous offre d'heureuses prémices de son renouveau, à travers les profonds changements politiques qu'implique la fin d'une transition qui traîne en longueur.» Cependant, tant de choses restent encore à dire, à préciser, à rectifier à propos de la vérité des uns, de la vérité des autres, des vérités qui, malgré les idéologues et les faussaires, ont construit l'histoire de la lutte de libération nationale, enfin de toute vérité qui a traversé le temps épais de la guerre ou du début de l'indépendance, et si court que ce temps ait été ou qu'il ait pu paraître tel. «L'objectivité libertaire» l'exige. Abderrezak Bouhara attribue à son ouvrage trois parties pour expliquer les choses et éclairer le lecteur grâce à des documents écrits (les siens et ceux d'autres combattants) et à divers témoignages authentiques ou authentifiés. Les années soixante portent sur des événements militaires vécus par l'auteur, sur des repères et contacts historiques de l'ALN jusqu'à la création et la conception de la fonction militaire de l'ANP. Celle-ci, chargée de mission, dans une situation de guerre sur le front de Suez, s'instruit sur «la cause générale de la défaite» des Arabes contre Israël. La troisième partie de l'ouvrage est consacrée à une belle page de l'histoire du Vietnam où l'idée de «Résistance ancestrale» est un fait irréfragable. Et dans tout ce dont il témoigne, nous sentons l'humilité de l'auteur et que bien dans son coeur, ainsi qu'il le dit lui-même sous l'émotion, il y avait l'image de son pays. (*) Du Djebel aux rizières par Abderrezak Bouhara Editions ANEP, Alger, 2004, 300 pages.