La juste qualification des événements du 8 mai 1945 s'impose pour exorciser les passions du passé. Jamais les massacres du 8 mai 1945 n'ont suscité autant de réactions au niveau des deux rives de la Méditerranée qu'à l'occasion du soixantième anniversaire de ces évènements sanglants. Les déclarations de l'ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, qualifiant les événements de «tragédie inexcusable» n'ont pas manqué d'irriter les nostalgiques de l'époque coloniale et de susciter respect et admiration en Algérie. Cependant, le message adressé par le chef de l'Etat aux participants au colloque international sur les événements du 8 mai 1945, comparant les fours à chaux de Guelma aux fours crématoires nazis, a été à l'origine d'une levée de boucliers de la part du Quai d'Orsay qui avait appelé au «respect mutuel». Pourtant, il n'est un secret pour personne que les Algériens ont connu les fours crématoires bien avant la Seconde Guerre mondiale. Les enfumades du Dahra, les emmurements de tribus, étaient les pratiques courantes endurées par les populations. Pour M. Mohamed El Korso, président de la fondation 8-Mai 1945, c'est la première fois que des Français ont découvert qu'il y avait en réalité deux 8 mai, celui de la liberté et de la victoire alliée sur l'Allemagne nazie et celui du sang des 45.000 Algériens fauchés à Sétif, Guelma et Kherrata pour le «tort» d'avoir demandé l'indépendance de leur pays. La commémoration, cette année de ces massacres revêt, par ailleurs, un caractère on ne peut plus exceptionnel, puisqu'elle intervient à la veille de la signature par les présidents Abdelaziz Bouteflika et Jacques Chirac, du traité d'amitié algéro-français attendu avant la fin de l'année. Alors que pour les Français, le devoir de mémoire incombe aux historiens, côté algérien la réconciliation entre les deux pays commence par le devoir de justice. En effet, la France qui avait demandé à la Turquie de reconnaître le génocide arménien de 1915, allant jusqu'à en faire un préalable à son acceptation de l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, doit commencer par reconnaître ses propres crimes. $*Ceux-là mêmes revendiqués par ses généraux et rapportés par ses historiens et qui jusqu'à présent sommeillent dans les tiroirs des archives militaires françaises. Le deux poids, deux mesures pratiqué par les autorités françaises dans le dossier Papon-condamné pour déportation de Juifs et blanchi pour son rôle dans les événements du 17 octobre 1961- dénote de la mauvaise foi de Paris et de son refus de reconnaître ses crimes et demander pardon au peuple algérien. Les geste de Willy Brandt s'agenouillant devant la tombe de Jean Moulin et demandant pardon au peuple français pour les crimes nazis, a-t-il pour autant rabaissé l'Allemagne. Bien au contraire. Il reste que pour Mohamed El Korso, la juste qualification des événements du 8 mai 1945 s'impose pour exorciser les passions du passé. Pour notre invité, génocide est le terme qui sied le mieux pour qualifier ces massacres. Car, d'après lui, il y avait bel et bien préméditation.