Des unités de la gendarmerie royale de guerre stationnées au Sahara occidental ont été appelées en renfort. C'est le cadeau de Amir Al Mouminine en cette fin de mois sacré. La population d'Al Hoceima n'était pas à la fête, le jour de l'Aïd el Fitr. Le grand rassemblement pacifique qui devait s'y tenir (lundi, Ndlr) pour réclamer «la libération immédiate des prisonniers politiques, le retrait de toutes les forces de police en présence et le retour à une situation antérieure au 28 octobre (2016, ndlr)» a été violemment réprimé. Des forces de l'ordre largement déployées ont «usé de la force» pour le disperser selon des militants locaux. Le Rif a été mis en état de siège. La police a «complètement verrouillé Al-Hoceima» et «multiplié des contrôles» sur les routes qui conduisent à cette ville, d'où est parti un mouvement de contestation pacifique depuis qu'un jeune poissonnier, Mouhcine Fikri, a été broyé par une benne à ordures, sous le regard de policiers qui lui ont saisi sa marchandise qu'il a vainement tenté de sauver. Le Rif est en état de siège. Des unités de la gendarmerie royale de guerre stationnées au Sahara occidental ont été appelées en renfort pour isoler le chef-lieu de cette région du royaume, des localités avoisinantes. «Des manifestants venant de localités voisines, notamment d'Imzouren et de Tammassin, ont été empêchés d'y accéder», a confié un journaliste local. A Ajdir, près d'Al-Hoceïma, des «heurts ont éclaté entre les forces de l'ordre et des manifestants qui voulaient se rendre à Al-Hoceïma», a-t-il poursuivi, faisant état de «blessés» et d'une «dizaine d'arrestations» dans les rangs des manifestants. Des images prises dans le feu de l'action diffusées sur les réseaux sociaux et relayées par les télévisions du monde entier montrent des dizaines de manifestants à terre, inertes, ensanglantés tabassés sans pitié. La police marocaine n'y a pas été de main morte. Elle a fait couler le sang à Al Hoceïma. La ville rebelle a été quadrillée. Des check-points ont été sur tous les axes routiers qui y mènent. Ces barrages ont filtré toute personne désirant se déplacer d'une bourgade à une autre empêchant ainsi le passage de familles entières qui voulaient rejoindre leurs proches, notamment à Al Hoceima, rapporte la presse marocaine. Un quadrillage très serré est venu compléter ce blocus. Au niveau de la place centrale d'Al Hoceïma (baptisée place des Martyrs), une vingtaine de fourgons de la police, usant de leurs sirènes, ont empêché tout rassemblement dépassant trois personnes, peut-on lire sur le site d'information marocain Le Desk. Pour jouer un massacre à huis clos. Les ONG locales et internationales ont brisé le silence. Elles ont dénoncé la «répression» et «les arrestations arbitraires», et ont fustigé le pouvoir marocain. Nasser Zefzafi, leader de Hirak, mouvement de contestation du Rif et deux de ses compagnons de lutte ont été maltraités, violentés par une douzaine de policiers de la Brigade de la police judiciaire (Bnpj) lors de leur arrestation, alors qu'ils n'ont opposé aucune résistance. «La police a insulté les trois militants en termes vulgaires, les a sommés de scander 'vive le roi'' en les traitant de séparatistes», est-il mentionné dans le compte rendu de leurs avocats, auquel a eu accès Human Rights Watch. «Les autorités marocaines devraient enquêter sur les allégations crédibles de violence policière contre Zefzafi et s'abstenir de déposer des accusations» contre «un discours pacifique ou une protestation», avait déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Pour lutter contre l'impunité et garantir des procès équitables, les tribunaux de Casablanca et d'Al-Hoceïma devraient assurer des examens médicaux rapides aux défendeurs et conserver toutes les preuves physiques pertinentes», a ajouté dans la foulée Heba Morayef, directrice recherches de la division Afrique du Nord à Amnesty International. Le souverain marocain qui s'était montré préoccupé par la situation qui prévaut dans la région a finalement fermé les yeux sur les violences subies par des manifestants qui sont décidés d'aller jusqu'au bout de leur combat. A mains nues. «Le peuple du Rif a décidé la chute de la militarisation!» ont-ils scandé. Une colère dévastatrice, mais légitime, qui peut faire vaciller un trône sur le qui-vive.