Attachée aux valeurs morales et républicaines, cette féministe inflexible a été la première femme à être ministre d'Etat ainsi que présidente du premier Parlement européen. Charismatique et populaire, la Française Simone Veil décédée hier à l'âge de 89 ans s'était engagée, tout au long de sa vie marquée par sa déportation à Auschwitz, dans les combats emblématiques de son époque, de la condition des femmes à l'Europe. Attachée aux valeurs morales et républicaines, cette féministe inflexible a été la première femme à être ministre d'Etat en France, ainsi que présidente du premier Parlement européen. Parfois surnommée «Momone», chignon noué et tailleur Chanel, elle apparaissait rassurante et maternelle de prime abord. Mais son regard vert acéré était parfois traversé d'éclairs. Ils en disaient long sur son caractère, exigeant, passionné, autoritaire, voire «épouvantable» selon certains, sur son esprit prompt à la rébellion et à la colère. Elle naît le 13 juillet 1927 à Nice (Sud-Est), au sein d'une famille juive et laïque. Son père, homme rigoureux et architecte de profession, pousse ses quatre enfants à lire les classiques: Montaigne, Racine ou Pascal. Toute la famille est déportée en 1944. Le père et le frère, Jean, en Lituanie, sa soeur aînée Denise (résistante) à Ravensbruck, sa mère, sa soeur Milou et elle-même à Auschwitz. Seules les trois soeurs reviendront. «Je crois être une optimiste, mais, depuis 1945, je suis dénuée d'illusions», dira cette ennemie de la langue de bois qui n'oubliera jamais de reprocher à certains «amis» politiques leurs «dérives 'extrêmes droitières''». Elle rencontre en 1946 à Sciences-Po Antoine Veil, futur directeur général de la compagnie aérienne française UTA. Le couple a trois fils, dont le célèbre avocat Jean Veil. Magistrate, Simone Veil rejoint en 1956 l'administration pénitentiaire puis s'occupe des problèmes d'adoption. Sa maison est déjà un salon politique, où se côtoient gaullistes et centristes. Elle entre en politique en 1974 comme ministre de la Santé dans le gouvernement Chirac. Son combat pour faire adopter la loi - contre une partie de la droite - sur l'interruption volontaire de grossesse, fait d'elle pour longtemps la personnalité politique la plus populaire de France. En juin 1979, Simone Veil est élue présidente du Parlement de Strasbourg, jusqu'en 1982. De 1984 à 1989, elle est à la tête du groupe libéral, démocratique et réformateur. «Le fait d'avoir fait l'Europe m'a réconciliée avec le XXe siècle», assurait cette pionnière. En 1993, elle devient ministre d'Etat, chargée des Affaires sociales, Santé et Ville. En 1997, elle préside le Haut conseil à l'intégration et en 1998 siège au Conseil constitutionnel, jusqu'en 2007. Elle a incarné, comme ministre, la fibre sociale et a parfois pris des positions proches de la gauche sur des sujets sociétaux. Personnalité féminine préférée des Français, selon un sondage de 2014, elle a été élue en 2008 à l'Académie française, devenant alors la sixième femme à rejoindre les Immortels. Le 4 août 1998, Simone Veil était à Alger dans le cadre de la «mission d'information» de l'ONU dirigée par l'ancien président portugais Mario Soares et composée de cinq autres personnalités, parmi lesquelles l'Américain Donald Mac Henry et l'élu écologiste Daniel Cohn-Bendit. La campagne menée à la veille de l'arrivée de cette délégation, le 22 juillet, par des médias occidentaux partisans du Qui-tue-qui, français et britanniques essentiellement mais aussi allemands, ne laissait guère de doute sur ce qu'Alger dénonçait comme un soutien délirant au terrorisme intégriste: de fait, le rapport de la mission aura permis d'améliorer l'image du pays et d'enterrer la fameuse «commission d'enquête internationale», dont les autorités algériennes ne voulaient pas entendre parler. La mission onusienne «met fin au débat inquisiteur et au chantage aux droits de l'homme et l'Algérie, qui n'aura plus à s'épuiser dans des campagnes d'explication, pourra alors consolider, en toute sérénité, sa place naturelle sur la scène internationale» affirmait l'APS à cette occasion.