Le faux bond de Abdelaziz Belkhadem et de Ahmed Ben Bella, au meeting organisé jeudi à Constantine, a donné l'occasion à Madani Mezrag, ancien responsable repenti de l'AIS, d'effectuer son retour sur la scène. Il a précisé qu'il était venu s'exprimer au nom des repentis. Ayant eu vent de sa présence, ces derniers sont d'ailleurs venus nombreux pour l'écouter. La plupart d'entre eux sont originaires de la wilaya de Jijel. L'ancien responsable de la branche armée du FIS dissous a prêché en faveur de la réconciliation nationale. Présenté comme un « daîya » (prédicateur, ndlr), Madani Mezrag a fait de l'ombre aux autres invités, à l'image de Lakhdar Belfar, président de l'organisation nationale des victimes du terrorisme (ONVT) et de Belkacem Abdellaoui, secrétaire général de la coordination des associations de soutien au programme du président, à l'origine du meeting. Lors de sa prise de parole, il a livré sa « vision » de la réconciliation nationale et du projet d'amnistie générale. Celle-ci, dira-t-il, est « adoptée et réclamée depuis des années par le peuple ». Il regrettera le fait, toutefois, que le projet d'amnistie soit encore « l'otage politique d'une minorité au pouvoir qui trace des lignes rouges ». Madani Mezrag n'a pas tari d'éloges à l'égard de Abdelaziz Bouteflika. Une personnalité qu'il a dit respecter et apprécier. Mais l'ancien émir s'est montré persuadé que le chef de l'Etat n'a pas totalement les coudées franches pour mener à bien son projet d'amnistie générale. Partant, il s'est dit déterminé à le soutenir. « Nous allons le soutenir. Nous nous opposerons avec force à ceux qui font barrage à la volonté du peuple », a-t-il martelé sur un ton menaçant. L'ancien fisiste a déclaré, par ailleurs, être libéré de toute contrainte : « Nous nous opposerons à ce système composé de lobbies et de groupes d'intérêts jusqu'à ce qu'il devienne un système républicain et démocratique dans le cadre des principes islamiques. » Les critiques sont apparemment adressées au chef du gouvernement. Il est reproché à Ahmed Ouyahia de faire dans la « politique des deux poids, deux mesures » dans le traitement des événements de Kabylie et de la crise endurée par le pays durant la dernière décennie. Dans la foulée, l'intervenant a descendu en flammes les archs. Ces derniers sont qualifiés de « minorité traîtresse à la solde des croisés et des puissances étrangères ». Le discours enflammé de Madani Mezrag, qui a rappelé ceux des années 1990, n'est pas allé sans gêner les organisateurs du meeting, présentés comme proches du FLN. Certains d'entre eux n'ont d'ailleurs pas hésité à dénoncer la « trahison » du coordinateur local et le « détournement » du meeting au profit des islamistes. Malgré les protestations, rien n'arrêtera Mezrag. Celui-ci continue son prêche avec un verbe violent et intimidant. La réconciliation passe, selon lui, par des concessions, « mais cela n'empêche pas de situer la faille qui découle de l'immoralité du pouvoir et des conspirations des occidentalistes ». A la fin de son discours, Madani Mezrag a appelé à « soutenir avec force le projet du chef de l'etat pour faire aboutir la réconciliation et décréter l'amnistie au profit de ceux qui souffrent encore des pressions ». Les familles des disparus clamaient fort, en revanche, qu'il n'y aura pas de réconciliation sur le dos des disparus. Le meeting a failli dégénérer à plusieurs reprises dans une salle débordée par des catégories intéressées par le discours de la réconciliation nationale. Les étudiants de l'université islamique de Constantine sont aussi venus en force en quête de la moindre occasion pour exposer leur refus de la suppression du « bac islamique ».