L'ancien chef de l'AIS autodissoute (branche armée de l'ex-FIS), Madani Mezrag, ne compte pas se retirer de la scène dans l'immédiat. Bien au contraire. Après avoir écumé, des années durant, les maquis de sa région natale, Jijel, il se sent encore d'attaque pour entamer une carrière politique. Son ambition déclarée : participer à faire aboutir le projet de construction d'un Etat islamique. Un projet, a-t-il soutenu mardi, qui n'est pas encore disqualifié, « malgré la fin de la guerre ». Mais en attendant d'y parvenir, l'ancien chef terroriste s'emploiera surtout à user de son influence et de ses relais dans les milieux islamistes pour aider le président Bouteflika à décrocher un troisième mandat. Pourquoi soutenir spécialement le chef de l'Etat ? Madani Mezrag s'est dit convaincu que « Bouteflika est celui qui connaît le mieux la maison ». Aussi son objectif est-il de l'aider à asseoir un pouvoir total. Car, a-t-il estimé, « la première force politique du pays est encore l'armée ». Le choix porté par l'ancien chef de l'AIS sur le chef de l'Etat n'étonne pas. Madani Mezrag a déjà eu à sillonner le pays de long en large l'été dernier pour faire la promotion du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale proposé par le président Bouteflika pour mettre fin à la crise. Ce qui intrigue, par contre, se sont plutôt les intrusions répétées de Madani Mezrag dans la presse et, surtout, sa propension à vouloir ouvrir à tout prix un débat sur la prochaine élection présidentielle. Un débat, faut-il convenir, pour le moins prématuré puisque celle-ci n'aura lieu que dans trois ans. L'ancien chef terroriste a-t-il été « bipé » par des membres du cercle présidentiel pour commencer dès à présent à travailler au corps l'électorat de l'ex-FIS dans la perspective de cette échéance ? Difficile à dire. Certes, l'expérience a prouvé la préférence du chef de l'Etat pour l'électorat conservateur, en atteste d'ailleurs la teneur de ses discours tenus à la veille des scrutins électoraux et des référendums organisés depuis son accession au pouvoir en 1999. Mais à ce moment là, l'implication, par Abdelaziz Bouteflika, des islamistes de l'ex-FIS dans sa stratégie de maintien du pouvoir pourrait vouloir dire qu'il ne veut pas se risquer de fonder uniquement celle-ci sur le seul FLN. La raison pourrait s'expliquer par le fait que le « vieux front », malgré les tentatives de Belkhadem d'en maîtriser les leviers, reste une SPA dont les actions sont très dispersées. Ali Benflis a, d'ailleurs, appris la leçon à ses dépens. Autre possibilité : les efforts déployés par Madani Mezrag pour occuper la scène médiatique pourraient aussi bien s'apparenter à une offre de service qu'à une volonté de sa part de recoller les morceaux de l'ancien parti du Front islamique du salut pour s'assurer une existence politique et réaliser ses ambitions. L'idée reste du domaine du possible dans la mesure où son projet est, à terme, de faire triompher l'Etat islamique. Madani Mezrag a-t-il les moyens et le poids suffisants pour obtenir un consensus favorable à sa personne dans les milieux islamistes ? Bénéficie-t-il de la bénédiction de l'ancienne direction de l'ex-FIS ? Peu probable. L'avis, du moins, d'un Abassi Madani ou d'un Ali Benhadj sur la question pencherait plutôt en faveur de la négative. Toutefois, l'ancien chef de l'AIS joue à fond toutes ses chances pour prendre possession du pouvoir politique dans la galaxie éclatée de l'ex-FIS. Et sa stratégie consiste, pour le moment, à monter un maquis politique, ouvrir le feu sur l'armée et créer une bipolarisation Bouteflika-ANP.