Malgré les tentatives répétées de conciliation, les deux rivaux restent de marbre Haftar va sans doute répéter inlassablement son discours sur l'importance d'une livraison d'armes qui lui assurerait davantage d'efficacité dans la lutte contre les milices islamistes et dans la protection des frontières libyennes contre les incursions des groupes terroristes. Moins d'un mois après la réunion organisée à Paris le 25 juillet dernier par le président français Emmanuel Macron, afin d'obtenir des deux principaux antagonistes de la crise libyenne, le maréchal Khalifa Haftar et le Premier ministre Fayez al Serraj, un calendrier de règlement de leurs différends, l'homme fort de l'Est libyen, Khalifa Haftar, a débarqué samedi dernier, à Moscou, à l'invitation du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov qui doit en principe le recevoir aujourd'hui même. L'objectif de la Russie est identique à celui de la France. Il faut tout entreprendre pour sceller une «réconciliation» entre deux hommes et deux factions que tout oppose et dont l'enthousiasme pour une solution apaisée n'a pas cessé de paraître improbable. Le chef de file du groupe russe de contact sur la Libye, Lev Dengov, a pour tâche de réussir l'impossible en agitant, aussi bien devant Haftar que devant al Serraj, toutes sortes de promesses émoustillantes. On sait que le «patron» de l'armée nationale libyenne n'a pas cessé de réclamer des armes, obsédé par l'embargo que la communauté internationale continue d'imposer à son pays en ce domaine. Le président Macron aurait d'ailleurs, à l'en croire, promis d'y accéder, allant jusqu'à l'inviter, en même temps que son rival, d' «exprimer leurs besoins». La raison en est toute simple. L'Europe, notamment les pays membres qui comptent des frontières méditerranéennes, souffre de la pression continue des migrants qui déferlent par milliers sur ses côtes, depuis plus de six ans. La coopération entre les autorités italiennes et libyennes a montré ses limites ces dernières semaines, surtout lorsque les garde-côtes italiens ont agité la menace de pénétrer dans les eaux territoriales libyennes pour contrer les passeurs. La réponse a été égale aussi bien du côté de Tobrouk et Benghazi que de Tripoli. Haftar en a même profité pour surenchérir en réclamant à l'Union européenne des contributions financières à la hauteur des desiderata exprimés pour juguler la pression migratoire. Se référant aux 4 milliards de dollars accordés à la Turquie, il a évalué les besoins à plus de 20 milliards dont une majorité traduite en livraisons d'hélicoptères, d'armes et de munitions pour ses troupes. On doit le reconnaître, le maréchal libyen est constant dans sa démarche, sur quelque terrain que ce soit. A Moscou, aujourd'hui, il va sans doute répéter inlassablement son discours sur l'importance d'une livraison d'armes qui lui assurerait davantage d'efficacité dans la lutte contre les milices islamistes et dans la protection des frontières libyennes contre les incursions des groupes terroristes. Et, là encore, le dilemme est posé car certaines des milices que Khalifa Haftar dit combattre, notamment celles de Misrata, sont le pilier sur lequel repose l'autorité du gouvernement d'union de Fayez al Serraj, issu de la médiation onusienne et de l'accord de décembre 2015. Ce que va tenter Lavrov, en recevant Haftar puis Al Serraj ou les deux en même temps, au cas où ils seront disposés à rééditer le coup de Paris, c'est de réussir la gageure d'un engagement réel des deux hommes pour sortir du bourbier actuel en conjuguant leurs efforts afin d'organiser la transition évoquée à Abou Dhabi, avant l'été et fin juillet à Paris. Des élections législatives suivies d'une élection présidentielle sont de nature à calmer les ardeurs des uns et des autres, permettant au peuple libyen de surmonter les défis induits par des ambitions et des surenchères qui ne servent en rien ses aspirations. Selon l'agence de presse russe Ria Novosti, la discussion entre le ministre russe des Affaires étrangères et le maréchal Haftar portera surtout sur la nécessaire rencontre entre l'homme de Tripoli et celui de l'Est libyen, au cours de laquelle des efforts conséquents seront consentis pour préparer la «réconciliation» et définir un programme d'action à mettre en oeuvre pour organiser la transition. La déclaration signée à Paris, avec les 10 points relatifs au cessez-le-feu et à la convocation des élections, constitue une base objective pour passer d'une étape d'espoir à celle d'une mise en oeuvre concrète, laquelle mise en oeuvre reste, qu'on le veuille ou pas, tributaire de l'adhésion des myriades de milices et de groupes armés qui essaiment sur tout le territoire libyen et offrent leur soutien à l'un ou l'autre des deux rivaux qui campent sur la scène libyenne. Mais de cette adhésion incontournable, on ne peut que constater qu'on en est, malheureusement, encore loin.