Cher, cher le mouton... Lundi et mardi derniers les prix des moutons avaient plongé devenant presque raisonnables, avant que la frénésie du dernier jour ne leur redonne des ailes... «Il est à combien ce matin? Ah oui, il a augmenté de plus de 10 000 dinars, pourtant, hier, il avait baissé...» On n'est pas devant une discussion entre «traders» à propos des cours de la Bourse ou des prix du pétrole, mais ce sont tout simplement deux Algériens qui parlent de...mouton! En effet, la «kebchmania» est de retour! On ne parle que de lui, on le trouve partout, dans les rues, sur Internet...Les marchés improvisés pour la vente de ce fameux mouton de l'Aïd poussent dans chaque coin et recoin de nos villes, au niveau des cités populaires, sur les bords des routes, sur certaines places publiques et même dans les cafés et pizzerias...Des pancartes sont accrochées partout pour informer de la «vente de moutons» dans des caves, des locaux de fortune, et dans la plupart des cas, sur les bords de routes où l'opération est effectuée en contradiction avec la réglementation en vigueur, portant notamment sur l'obligation de possession de certificats du vétérinaire et l'interdiction de la vente de bétail en dehors des marchés formels. Néanmoins, la frénésie du mouton a été stoppée par des prix qui ont refroidi plus d'un. Un petit agneau affichait la somme de 40 000 DA et pour avoir la peau d'un animal aux proportions honorables on était appelé à débourser pas moins de 55 000 DA. Pour ceux avec l'«option» des cornes ce n'est pas moins de 75 000 DA et ce n'est surtout pas négociable... Ils dépassaient même dans certains cas la fatidique barre des 100 000 DA! Ces prix qui donnent le tournis ont poussé les Algériens à boycotter cet achat, ou du moins à le reporter... «Mis à part les premiers jours où l'on a fait de bonnes affaires, les ventes ont commencé à baisser doucement, doucement avant d'être quasiment nulles durant la semaine dernière», avouait en début de semaine Sebti, un maquignon «installé» au niveau du Hamiz (est d'Alger) confirmé par Belkacem, un autre maquignon ou plutôt vendeur de mouton... «D'habitude, à ce moment de l'année j'en suis déjà aux bénéfices, mais là je n'ai même pas encore couvert mon investissement. Je risque de perdre de l'argent...», se désole Belkacem qui depuis plus de 10 ans, à l'approche de l'Aïd El Adha, s'improvise vendeur de moutons. Les citoyens ont donc refusé de céder à l'emprise des spéculateurs. Certains sont même allés jusqu'à prendre la direction des Hauts-Plateaux, région réputée pour son élevage ovin et trouver le mouton presque parfait, qui allie la fameuse formule qualité-prix. Certains dénichent les bonnes affaires, alors que d'autres reviennent bredouilles du fait que les éleveurs de ces régions s'alignent souvent sur les prix affichés dans le reste du pays. Mais, globalement, ils n'ont pas cédé à la tentation comme durant les dernières années où ils achetaient leur mouton à n'importe quel prix, la crise économique étant passée par là. Ce qui a fait que lundi et mardi derniers les prix des moutons avaient plongé devenant presque raisonnables. Certains ont réussi à se débrouiller une belle bête à 35 000 DA. «J'ai vu ce mouton il y a une semaine. Je le reconnaîs c'est le même et il était à 50 000 négociables. Là, je l'ai acheté à 35 000 DA», témoigne Boussad, rencontré dans la soirée de mardi dernier au niveau de Baba Hacene (ouest d'Alger), qui semblait tout heureux de son acquisition. «J'admets que si les prix étaient restés au même niveau, j'aurais boycotté la tradition d'Abraham», poursuit-il avec soulagement. C'est le même sentiment qui ressort du visage de Mourad qui venait d'acheter un mouton à 32 000 DA. Néanmoins, lui avoue qu'il n'aurait pas renoncé au mouton de l'Aïd quel que soit le prix. «J'ai joué au poker. D'habitude je l'achète au début, c'est moins cher, mais avec les prix que j'avais vus affichés au niveau des marchés à bestiaux, je me suis dit je prends le risque d'attendre les derniers jours, peut-être que ça va être plus raisonnable. C'était du quitte ou double. Et finalement, j'ai eu raison...», raconte-t-il avec fierté. Cependant, beaucoup ont fait comme Mourad, la frénésie du dernier jour a redonné des ailes aux moutons. Mercredi, les prix du mouton ont repris leur envol, pas au niveau des premiers jours, mais ils ne sont pas aussi raisonnables que les belles journées de lundi et mardi derniers...Car, au fond, les vendeurs sont des Algériens et connaissent très bien la mentalité de leurs compatriotes. Malgré le fait que les Algériens aient connu des pics de consommation du Ramadhan, des soldes, des congés d'été et bientôt, de la rentrée scolaire, de nombreuses familles luttent pour rassembler l'argent qui leur permettra d'acheter la bête si convoitée. La fête et le Sacrifice, bien que considérés comme non-obligatoires dans le Coran, restent un rituel religieux et culturel important pour les foyers algériens. Et cela à n'importe quel prix...