Le Kurdistan irakien revient à l'ordre du jour au détour de la décision des autorités autonomes kurdes d'organiser un référendum pour l'indépendance, le 25 septembre 2017 (ce lundi). Quoique les autorités du Kurdistan assurent que l'indépendance ne sera pas proclamée dans l'immédiat, même en cas de victoire du «oui», l'enjeu n'est pas dans le résultat du scrutin référendaire de lundi prochain. Il coulait de source que, tôt ou tard, se posera la question du devenir du Kurdistan induite par les velléités indépendantistes des Kurdes. Il est patent que le statu quo instauré en 1991 [plutôt imposé par la coalition occidentale menée par les Etats-Unis, dans le sillage de la première guerre du Golfe] ne saurait durer. Aussi, eut-il, depuis l'annonce - par l'homme fort du Kurdistan irakien, Massoud Barzani - de l'organisation d'un référendum d'indépendance une levée de boucliers des Etats voisins (Turquie et Iran) et un bras de fer musclé entre les autorités fédérales de Baghdad et l'entité kurde. Ladite communauté internationale, Etats-Unis en tête, de même que les Nations unies, ont clairement fait savoir leur opposition au référendum, demandant aux autorités kurdes de surseoir à cette consultation. Plus fermes Ankara, Téhéran et certes Baghdad, exigent l'annulation pure et simple du scrutin. Et pour cause! Irakiens, Turcs et Iraniens qui ne s'entendent sur rien dans un Moyen-Orient en plein bouleversement géostratégique, se sont soudain retrouvés unis et parlent d'une seule voix. A ce choeur manque la Syrie engluée dans la guerre. De fait, Ankara et Téhéran qui craignent l'effet boule de neige sur leurs propres minorités kurdes, sont les plus engagés contre un référendum qui est décidément mal venu. Or, à voir l'engouement des Kurdes pour le référendum, il n'y aurait même pas lieu de l'organiser: la tendance est très nette pour l'indépendance. Une question qui, de toute manière, aurait été posée: le Kurdistan resterait-il indéfiniment «autonome» ce que semble penser le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, qui assurait vendredi qu'il n'y aura «jamais de référendum ni aujourd'hui ni demain ni dans le futur». Commode à dire! Depuis vingt-six ans, le Kurdistan s'est doté d'une administration, d'un gouvernement, d'un drapeau et d'un hymne nationaux, d'un Parlement, d'un président et d'une armée. C'est un Etat dans l'Etat. Il faut le relever, Baghdad n'a en réalité techniquement, aucun moyen d'empêcher le déroulement du scrutin si les autorités d'Erbil refusent d'obtempérer aux demandes et pressions internationales. En fait, l'affaire kurde, montre encore une fois les hypocrisies des uns et des autres. Hypocrisie des pays abritant des minorités kurdes qui n'ont rien fait pour intégrer les Kurdes dans le développement du pays. Hypocrisie des Occidentaux, notamment la Grande-Bretagne et la France [responsables du charcutage du territoire kurde entre quatre pays du Moyen -Orient] et les Etats-Unis notamment qui ont encouragé l'avènement de l'Etat kurde irakien, en lui fournissant des armes, en formant son armée, le finançant et l'assistant dans tous les domaines. Hypocrisie de la Turquie qui - tout en combattant violemment ses propres Kurdes - commerçait avec les Kurdes irakiens leur donnant accès à ses ports pour l'exportation de leur pétrole. Hypocrisie de l'ONU qui n'a jamais joué son rôle d'assistance aux peuples coloniaux et/ou aux peuples lésés par l'histoire. Le peuple kurde en est un qui a payé le prix fort des retombées néfastes de la Grande Guerre (1914-1918) pour le Moyen-Orient déstructuré et défiguré. Hypocrisie enfin des dirigeants kurdes irakiens qui savent pertinemment qu'ils ne sauraient que faire d'une indépendance qui ne leur apporterait pas ce pourquoi ils ont lutté au long des décennies: le développement et le mieux-être pour leur peuple. Le Kurdistan irakien - de même que les trois autres territoires kurdes - enclavé entre l'Irak, l'Iran, la Turquie et la Syrie, n'a simplement pas les moyens de sa politique et son existence dépendra en fait du bon vouloir et de l'aide de ces pays. L'indépendance du Kurdistan - dans sa globalité - ne se fera qu'avec le consentement et le consensus entre toutes les parties prenantes y compris l'ONU et la communauté internationale. Ce qui ne semble pas d'actualité. En attendant, les 40 millions de Kurdes, qui ne doivent compter que sur eux-mêmes, continueront de souffrir des répressions multiformes que leur imposent Ankara, Baghdad, Damas et Téhéran.