Au lendemain même des premières législatives, de l'après-présence syrienne, une personnalité de la gauche démocratique est assassinée. L'ancien secrétaire général du PC libanais, Georges Hawi, 65 ans, a été assassiné hier lors d'un attentat à l'explosif alors qu'il se trouvait à l'intérieur de sa voiture, pas loin de son logement dans le quartier de Wata Moussaytbeh à Beyrouth. Son chauffeur blessé a été transféré à l'hôpital. Ce nouvel assassinat, qui survient moins de vingt jours après celui du journaliste Samir Kassir, et trois mois après celui de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, n'est pas sans inquiéter les forces démocratiques au Liban qui pointent du doigt les services de sécurité. Au même titre que Samir Kassir, tué donc quelques jours avant lui, Georges Hawi était considéré comme l'une des figures de prou de la gauche libanaise par son engagement pour un Liban libre et démocratique. Il dirigea le Parti communiste libanais de 1976 à 1992, avant de prendre du recul par rapport à l'action militante partisane, sans pour autant renoncer à ce qui a fait, tout au long de ces années, sa raison d'être: un Liban débarrassé des tutelles étrangères, notamment israélienne -qu'il combattra dans le cadre du Front de la résistance nationale qu'il fonda pour lutter contre l'occupation d'une partie du Liban par Israël (entre 1982 et 1985)- et une présence syrienne qui a largement pesé sur le contexte politique libanais, par l'omniprésence des services de renseignements de Damas. Georges Hawi a été l'un des fers de lance de l'opposition qui demandait le départ de l'armée syrienne au même titre en fait que toutes les personnalités tuées ces derniers mois. A commencer par Rafic Hariri qui, alors qu'il était encore Premier ministre, posa, le premier, en termes de retrait la problématique de la présence syrienne au Liban s'opposant sur cette question au président Emile Lahoud, proche de la mouvance pro-syrienne libanaise. Ce qui suscita d'ailleurs la démission de Rafic Hariri de son poste de chef du gouvernement en octobre 2004. Georges Hawi qui était apprécié par la classe politique libanaise, qui reconnaissait en lui un homme de dialogue et de pondération, était aussi un ami très proche du grand leader socialiste libanais, Kamal Joumblatt, -père de l'actuel leader druze Walid Joumblatt-, également assassiné en 1977 près d'un barrage syrien, durant la période de la guerre civile libanaise (1975-1990). Ce qui ne manqua pas d'ailleurs, à l'époque, de nourrir toutes les supputations. L'assassinat de Georges Hawi a soulevé hier une grande émotion au Liban et notamment parmi la classe politique libanaise qui condamna largement ce crime. Aux côtés de Samir Kassir et d'autres militants de l'opposition anti-syrienne, Georges Hawi a été parmi les plus engagés pour que le Liban retrouve sa liberté et se défasse des tutelles étrangères. De fait, Georges Hawi, dont la voiture a explosé, a été tué dans les mêmes conditions que Samir Kassir, et avant lui Rafic Hariri, ce dernier accompagné dans sa mort, dans l'attentat spectaculaire du 14 février, par 19 personnes, dont le député Bassel Fleyhane, qui devait décéder quelques jours plus tard suite à la gravité de ses blessures. Ce climat délétère marqué par la violence a commencé au Liban, en octobre de l'année dernière lors de la tentative d'assassinat du député Marwane Hamadé un opposant anti-syrien de la première heure. Ces assassinats, ou tentatives d'assassinats, -plusieurs attentats ont eu lieu au Liban depuis le meurtre de Rafic Hariri qui ont fait au total, outre 23 morts, plus d'une cinquantaine de blessés-, n'ont jamais été revendiqués, laissant ouvertes les portes à toutes les suspicions. Les observateurs n'ont pas omis de relever que l'assassinat de Georges Hawi survient au lendemain de la large victoire de Saad Hariri, qui a pris la relève de son père, et de ses alliés (notamment le druze Walid Joumblatt et les Forces libanaises) qui se sont assurés la majorité absolue (72 sièges sur 128) au nouveau Parlement post-présence syrienne. Déplorant l'assassinat de Georges Hawi, le Premier ministre Nagib Miqati, devait dire devant les chaînes de télévision libanaises que «A chaque fois que l'Etat accomplit une avancée, il y a des gens aux aguets qui troublent la sécurité et envoient des messages sanglants». Plus précis, le ministre de la Justice, Khaled Kabbani a estimé pour sa part qu'«il s'agit d'une tentative de frapper l'unité et la réconciliation nationale, après la tenue des élections législatives libres et démocratiques, mais nous ne cèderons pas».