Si le brut passe le seuil des 62 dollars, un pétrole à 80 dollars est plus que probable. Les niveaux historiques atteints par les prix du pétrole sur les marchés boursiers, avant-hier, inquiètent beaucoup de monde. Pour leur part, les experts sont formels: un pétrole à 60 dollars est un prix normal, compte tenu de la conjoncture politico-économique mondiale. En tout état de cause, il est évident que le cours qui a inscrit un record historique jeudi à 60 dollars le baril, une première depuis le début de la cotation de ce brut en 1983, n'est pas un événement annonciateur d'un quelconque fléchissement à court ou moyen terme. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord a progressé de 40 cents à 58,36 dollars sur l'échéance d'août. Les spécialistes de l'or noir estiment qu'à Londres «le marché a du mal à franchir les 60 dollars. La raison est que c'est un chiffre psychologique important». Pour ces mêmes analystes, le calme qui semble s'être s'installé en clôture de la séance de cotation ce vendredi ne sera que de courte durée. Et pour cause, «les prix reflètent la situation de l'approvisionnement sur le long terme» explique-t-on. D'autant plus que les professionnels du domaine voient avec inquiétude l'arrivée de l'hiver, saison traditionnellement de grande consommation de ce produit. «Bien que les stocks ne soient pas préoccupants, les gens s'inquiètent pour le quatrième trimestre et pensent que l'offre va vraiment peiner à suivre la demande à ce moment-là», relève un expert qui pense qu'une «perturbation de la production n'importe où dans le monde peut voir les ennuis débarquer plus vite que prévu», prévient-on. Et comme la situation dans le Moyen-Orient ne prête pas à l'optimisme, avec la guerre en Irak et l'arrivée au pouvoir en Iran d'un ultraconservateur, il est très possible que le marché pétrolier international s'en ressente. Aussi, les analystes techniques sont formels: si le brut passe le seuil de 62 dollars, un pétrole à 80 dollars est plus que probable. Cela dit, les experts notent également qu'«aussi longtemps que la demande mondiale de pétrole restera élevée, nous ne devons pas nous attendre à court terme à ce que les prix baissent de manière importante», soulignent les analystes qui estiment que «le problème de l'offre, qui résulte de l'étroitesse des capacités de production et de raffinage, ne sera pas résolu de sitôt». En fait, aucun facteur actuellement ne plaide pour que «la direction du pétrole change d'un seul coup». Les cours devraient atteindre 63 à 64 dollars le baril avant de battre en retraite puis de remonter plus tard dans l'année vers les 70 dollars. L'Opep, vers qui les yeux sont systématiquement tournés en cas de tension sur l'or noir, affiche une disponibilité à augmenter son offre. Seulement, le cartel ne dispose que d'un surplus de production d'environ 1,5 million de barils par jour, en Arabie Saoudite. Or, la demande mondiale devrait progresser de près de 4 millions de barils par jour d'ici le quatrième trimestre, lorsqu'elle sera environ de 2 millions de barils au-dessus de son niveau à la même époque en 2004. La Chine, deuxième gros consommateur après les Etats-Unis, est appelée à accroître considérablement sa consommation. Non seulement elle veut se constituer des réserves stratégiques de pétrole dès cette année, mais elle devrait aussi connaître de nouveaux problèmes d'électricité qui l'obligeraient à importer encore plus de produits pétroliers. La demande américaine est également loin de se laisser abattre par l'envolée des prix: la consommation d'essence progresse à hauteur de 2,5% et celle des produits distillés (diesel, kérosène, fioul de chauffage) de 6,9%. Alimentant la polémique sur cette affaire, le président vénézuélien Hugo Chavez n'a pas manqué, pour sa part, d'accuser les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis, de provoquer les prix record du pétrole en raison de leur «modèle de développement basé sur la société de consommation». Une accusation qu'aucun autre pays producteur n'a repris à son compte jusqu'à hier. En tout état de cause, cette nouvelle crise qui a tout l'air de s'installer dans la durée, constitue une aubaine inespérée pour l'Algérie.