Aujourd'hui, à dix heures du matin, selon la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, une procédure de mise en application de l'article 155 de la Constitution sera engagée. Contrairement à ce qui a été dit et raconté, cet article ne signifie pas la fin de l'autonomie de la Catalogne. Vingt-quatre heures avant l'expiration de l'ultimatum de Madrid au gouvernement régional de la Catalogne pour «clarifier sa position sur l'indépendance», le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a accentué la pression, exigeant une réponse claire et sans la moindre équivoque. Alors que tout le pays est en haleine devant un suspense qui n'en finit pas de se prolonger, M.Rajoy a affirmé hier que «la seule chose que je demande à monsieur Puigdemont, c'est qu'il agisse avec bon sens et équilibre, qu'il mette en avant l'intérêt général de tous les citoyens, des Espagnols et des Catalans. Simplement, il n'est pas difficile de répondre à une question: avez-vous déclaré ou non l'indépendance de la Catalogne, car s'il a déclaré l'indépendance de la Catalogne, alors le gouvernement est obligé de suivre la Constitution et d'agir comme il se doit. Et s'il n'a pas déclaré l'indépendance, alors nous pouvons parler ici au Parlement.» Il faut dire que Carles Puigdemont surfe sur une ambiguïté exemplaire à tous points de vue. Il a envoyé une réponse alambiquée dans laquelle il ne répond en aucune façon à la question de Madrid, mais plaide à satiété pour le dialogue avec le pouvoir central en offrant un répit de deux mois pour l'application du mandat que lui ont conféré les suffrages lors du référendum favorable à la déclaration d'indépendance. Ce qui a fait réagir Madrid qui l'accuse de jouer la carte de la confusion et de poursuivre ainsi la politique de la provocation. Le gouvernement espagnol exige un «oui» ou un «non». Le président catalan, farouche indépendantiste, a-t-il déclaré l'indépendance dans son discours du 10 octobre devant le Parlement régional? Puigdemont a adressé sa réponse quelques minutes avant l'heure limite mentionnée dans la mise en demeure de Madrid, mais il a soigneusement évité de répondre à la question. Ce faisant, il espère gagner du temps mais pour quelle issue? Mariano Rajoy a bien précisé que si dialogue il doit y avoir, il doit se faire dans l'enceinte du Parlement espagnol. Et cela n'arrange pas les affaires des indépendantistes. Lesquels sont également en porte-à-faux avec l'autre moitié des Catalans, hostile à l'indépendance. Du coup, le gouvernement régional en appelle aux pays européens tels que la France, l'Italie et le Royaume- Uni pour jouer les bons offices. Mais Londres a d'autres préoccupations, avec le Brexit, et Paris et Rome ne voient pas d'un bon oeil une aventure qui risque de donner des ailes à de vieilles revendications sur leurs propres territoires. Partant d'une expérience avérée des méthodes discursives des indépendantistes, Madrid a pris aussi le soin de fixer une date butoir, quel que soit le caractère affirmatif ou sibyllin de la réponse. Aujourd'hui, à dix heures du matin, selon la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, une procédure de mise en application de l'article 155 de la Constitution sera engagée. Contrairement à ce qui a été dit et raconté jusque-là, cet article ne signifie pas la fin de l'autonomie de la Catalogne. Jamais mis en oeuvre, il prévoit qu'en cas de rébellion d'une région espagnole, «si la mise en demeure n'aboutit pas, le gouvernement pourra, avec l'approbation de la majorité absolue du Sénat, prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ses obligations». C'est pourquoi Rajoy dément qu'il vise à «suspendre l'autonomie» et affirme qu'il veut seulement «rétablir la légalité». Le décor étant planté, il n'est pas sûr que la question soit réellement tranchée aujourd'hui même. Le Parti socialiste a proposé dernièrement une commission parlementaire chargée de dépoussiérer la Constitution, en revoyant le modèle territorial, mais Rajoy exclut tout référendum d'autodétermination sous l'égide de l'Etat espagnol dont il «doit» préserver l'intégrité. A ses yeux, ce qui s'est passé en Catalogne est «une atteinte à l'unité du pays». Avec l'arrestation, mardi dernier, de deux dirigeants indépendantistes catalans, il lance donc un avertissement sans frais à Carles Puigdemont qui, lui, attend de voir la conséquence au bout de l'ultimatum.