Selon les experts, le gouvernement a devant lui un agenda de réformes juridiques impressionnant. L'enquête menée par la Banque mondiale et présentée hier, à l'occasion du séminaire sur le droit des affaires qui se tient au Sheraton, a montré que l'Algérie fait partie des pays où le cadre juridique et réglementaire reste encore contraignant pour les entreprises désireuses d'investir, et ceci sur les questions aussi différentes que celles relatives à l'obtention des autorisations nécessaires pour commencer une activité, aux conditions juridiques de recrutement des employés et ouvriers, à l'obtention des crédits, ou encore d'une décision de justice. La présente étude avait pour objet, selon M.Mohamed Bakhchi, conseiller à la Banque mondiale «de faire un inventaire rapide» du cadre juridique et judiciaire mis en place ou en cours par le gouvernement algérien pour régir le monde des affaires et faciliter l'avènement d'une économie de marché . Le dossier est d'autant plus important dans la conjoncture économique actuelle, marquée par les négociations avec l'OMC et l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'UE. «Le gouvernement a devant lui un agenda de réformes juridiques impressionnant dont une partie a été déjà réalisée. Cependant, les objectifs économiques, sociaux et politiques poursuivis, nécessiteront des ajustements institutionnels, notamment en ce qui concerne le processus de production juridique qui doit accompagner la mise en place et l'application des réformes», note le rapport. En effet, bien que l'Algérie ait opéré, selon les experts, des mutations substantielles à son système juridique, le droit des affaires ou la législation commerciale, reste confrontée à deux obstacles. Il y a de prime abord, l'absence d'un véritable leadership pour la planification stratégique du travail juridique dans ce domaine ainsi que l'absence de processus participatifs formels qui permettent l'engagement de toutes les parties prenantes. En fait, le rôle de la justice au service du bon fonctionnement de l'économie, expliquent les experts «n'est pas encore bien défini». Les experts de la Banque mondiale évoquent «des hésitations» qui marquent l'application des réformes de fond, notamment la mise en place d'une justice commerciale séparée, à travers les tribunaux de commerce. «L'Algérie doit définitivement trancher le mode de justice qu'elle veut établir. Soit on opte pour l'indépendance entre les différents pouvoirs, qui sera consacrée, à terme, par l'indépendance de la justice. Soit on persiste à faire de la justice un département délégué, donc obéissant à d'autre calculs», estime Mohamed Bakhchi. Dans le cadre de l'ouverture du marché au secteur privé, l'enquête recommande la limitation claire des situations dans lesquelles le gouvernement pourrait être amené à intervenir pour restreindre ou limiter la compétition entre opérateurs. Aussi, elle met en évidence l'opportunité de développer des procédures extrajudiciaires afin d'éviter le recours systématique aux tribunaux, notamment à travers l'arbitrage. Pour M.Richard Missier, expert à la Banque mondiale, afin de favoriser le développement du secteur privé, «il est très important d'adopter une approche simplifiée des procédures de création des sociétés en reconnaissant la place centrale des actionnaires pour organiser leur société». La privatisation pourrait ouvrir les portes à la concurrence déloyale à travers la volonté de groupes économiques, nés des fusions de petites entreprises, de contrôler le marché. La responsabilité est confiée aux autorités publiques «pour maîtriser la situation». L'enquête finit par mettre en exergue le fait que tout projet de réforme sur les pratiques commerciales doit être soumis à un débat par les experts participants avec l'OMC. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux M.Belaïz, a reconnu, dans son intervention que «la législation régissant le monde des affaires en Algérie est actuellement marquée par des incohérences» et que le développement de cet environnement doit être l'affaire de tous les secteurs, notamment à travers l'application des textes de loi.