Un important représentant de l'ayatollah Ali Sistani a été assassiné hier au moment où l'offensive contre la guérilla entre dans son troisième jour. Pas de répit en Irak où de nouveaux assassinats ont endeuillé le pays hier et jeudi par de nombreux attentats qui ont fait des victimes parmi les policiers et les civils, dont un religieux. Ainsi, après l'assassinat, mardi, du doyen des députés irakiens, -Dhari Al-Fayyad (87 ans) qui est mort en même temps que son fils et ses deux gardes du corps- c'est au tour d'une importante personnalité religieuse, cheikh Kamal El-Dine Al-Ghoreifi, représentant du grand ayatollah Ali Sistani, guide spirituel et figure emblématique des chiites irakiens, qui a été tué alors qu'il allait accomplir la prière du vendredi à la Husseinya Al-Douriiyne, sise à la rue Haïfa dans le centre de Bagdad, une rue réputée fief des anciens du régime bassiste et résistant à l'occupation étrangère. Plusieurs attentats y ont été commis ces deux dernières années. La mort de cheikh Al-Ghoreifi a été confirmée hier par un communiqué du bureau de l'ayatollah Ali Sistani à Najaf. Il y a moins de huit jours un autre représentant de Sistani a été tué à Bagdad en même temps que deux personnes qui l'accompagnaient selon une source du ministère de la Défense. Très influent, et écouté par la communauté chiite d'Irak, l'ayatollah Sistani prône la modération et la retenue depuis la début de la guerre d'Irak s'opposant aux radicaux et notamment à la guérilla contre les forces multinationales et américaines. Cette position en flèche a fait de l'ayatollah Ali Sistani -qui vit reclus dans son bureau de Najaf qu'il ne quitte pratiquement jamais-et de ses principaux lieutenants l'homme à abattre et la cible de la guérilla irakienne. D'ailleurs l'année dernière il a échappé de peu à une tentative d'assassinat dans son antre de la ville sainte chiite. Outre l'assassinat du cheikh Al-Ghoreifi, plusieurs autres personnes, dont des policiers, ont été tués hier lors d'attentats et d'attaques à travers plusieurs villes du pays. Ainsi, selon des sources policières irakiennes, quatre policiers ont été tués et sept autres blessés dans un accrochage avec les insurgés à Samara, deux soldats ont été tués et quatre blessés dans un autre accrochage à Al-Mouatassam dans la périphérie de Samara selon la même source, alors qu'un policier est assassiné à Dhoulouiyah au nord de Bagdad. Outre les policiers et les militaires, des civils ont été aussi assassinés hier, parmi eux, un réalisateur de télévision, Khaled Sabih Al Attar, de la chaîne publique Al-Iraquia qui a été enlevé et tué hier à Mossoul, a déclaré le responsable du bureau d'Al-Iraquia dans cette ville. Entre civils et militaires, une quinzaine de personnes ont été ainsi assassinées jeudi et hier. Ce regain de violence observé depuis quelques jours n'alourdit pas pour autant le bilan des pertes pour le mois de juin, estimées en diminution par rapport aux hécatombes du mois de mai. Au total, selon des indications de sources publiques irakiennes, 430 policiers, militaires et civils ont été tués au mois de juin, soit une baisse de 36% par rapport à mai. Le nombre de blessés s'élève à 933, soit une baisse de 20%, selon les chiffres des ministères de l'Intérieur et de la Défense. Si la situation semble s'améliorer de jour en jour, il n'en reste pas moins que le bilan mensuel des pertes en vies humaines demeure élevé et préoccupant pour les responsables de la sécurité irakiens qui tentent, avec l'aide de la force multinationale, de réduire les nuisances de la guérilla. C'est ainsi que des opérations ponctuelles sont organisées, comme celle qui se déroule actuellement dans les régions de Hit et de Haditha, baptisée «Saïf», commencée depuis trois jours, dans la province d'Al-Anbar, connue pour être le «triangle de la mort». Cette opération doit, selon ses promoteurs, «(...) extirper les rebelles et combattants étrangers de Hit». Un communiqué américain faisait état hier de l'arrestation de 13 suspects, de même que de la découverte de lots d'armes de guerre lesquels ont été saisis. L'opération «Saïf» suit de près celle appelée «Eclair», organisée récemment dans la région d'Al-Karabilah près de la frontière nord avec la Syrie au cours de laquelle, selon un communiqué de l'armée américaine, 47 insurgés ont été tués. De fait, la situation demeure très incertaine et les insurgés ne désarment pas répondant du «tac au tac» aux attaques de l'armée américaine et des soldats et policiers irakiens. Ce qui amena l'autre jour le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, à admettre la difficulté de la tâche disant s'attendre à «une escalade de la violence d'ici les élections de décembre». Selon lui «les insurrections ont tendance à durer 5, 6, 8, 10, voire 12 ans». C'est donc loin d'être gagné. Lui faisant écho, le président Bush a déclaré lors de son discours de mardi devant les soldats de la base de Fort Bragg, que «fixer un calendrier artificiel enverrait le mauvais message aux Irakiens qui doivent savoir que les Etats-Unis ne partiront pas sans avoir achevé leur tâche. Cela enverrait le mauvais message à nos troupes qui ont besoin de savoir que nous sommes sérieux dans notre volonté d'achever la mission pour laquelle elles risquent leur vie». Mais la donne a quelque peu changé car les forces américaines ne sont pas maîtresses de l'initiative sur le terrain où les insurgés, par leur mobilité et leur pugnacité, posent des problèmes que les stratèges américains n'avaient pas inclus dans leurs calculs lorsqu'ils décidèrent l'invasion de l'Irak.