Farouk Ksentini, avocat et président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), estime que la condamnation à la prison ferme des journalistes pour des délits de presse est « excessive ». « Il faut des peines plus modérées », a-t-il déclaré, hier, en marge d'un séminaire sur « Les droits de l'homme en Algérie : état des lieux et perspectives », organisé à l'hôtel Hilton à Alger. Rencontre qui prendra fin aujourd'hui. Rejetant la dépénalisation du délit de presse - revendication des journalistes - , M. Ksentini suggérera « des peines de prison avec sursis » et des « amendes ». Pour lui, même dans les pays réputés pour le grand respect des libertés, notamment celle de la presse, on n'a pas dépénalisé le délit de presse. Seulement, on ne condamne pas les journalistes à la prison ferme. Ce qui n'est pas tout à fait vrai. Revenant sur le thème du séminaire, M. Ksentini estime que les droits de l'homme en Algérie connaissent une « progression positive ». « Des efforts considérables ont été consentis », a-t-il attesté. Il trouve qu'il y a toujours « des mauvaises pratiques à enrayer et des résistances à dépasser ». Contrairement aux constats des ONG internationales, M. Ksentini se montre optimiste quant à l'évolution de la situation. Pour lui, la réforme de la justice engagée par le gouvernement reviendra avec des effets positifs sur le respect des libertés. Pour arriver à une justice indépendante, M. Ksentini évoque deux choses. D'abord, il faut assurer une bonne formation aux magistrats. Ensuite, les juges doivent « se résoudre à devenir indépendants ». A propos de la détention provisoire et les mandats de dépôt abusifs, le président de la CNCPPDH souligne l'existence des textes de loi. « Nos lois sont parfaites », a-t-il attesté. Afin d'enrayer ces « pratiques abusives », il est prépondérant d'inciter les magistrats « à être plus modérés dans leurs décisions ». Dans la foulée, M. Ksentini propose, comme première mesure, de supprimer la détention provisoire pour les délits. « Je crois qu'il faut la maintenir uniquement pour les crimes », a-t-il suggéré. Interpellé sur les dernières déclarations de Djamel Aïdouni, président du Syndicat national des magistrats (SNM), mercredi 29 juin, M. Ksentini les considère comme « des accusations gratuites » avec des arrière-pensées « corporatistes ». « Je lui récuse toute qualification de parler sur le dossier des disparus. Car il n'a rien à voir dedans. Sa mission est de défendre les droits socioprofessionnels des magistrats. Il n'a pas à se mêler du droit », a-t-il précisé. M. Ksentini a souligné le fait qu'il n'a jamais accusé les magistrats de quoi que ce soit. « Il les a incriminés et les a blanchis », a-t-il ajouté. Quant au jugement des auteurs des disparitions, M. Ksentini estime qu'une telle entreprise s'annonce d'ores et déjà impossible. Pourquoi ? « Rien que pour leur procès, il faut au moins 3000 magistrats à former », a-t-il indiqué. En sus, il trouve qu'il est « extrêmement difficile d'identifier les agents de l'Etat responsables de ces disparitions ». Lors du séminaire, qui se déroule à l'hôtel Hilton, trois ateliers ont été installés. Le premier traite de l'éducation aux droits de l'homme. Le deuxième est lié au droit de la femme et droits de l'homme. Le troisième est relatif à la réforme de la justice et droits de l'homme. Selon M. Ksentini, ce séminaire débouchera sur des conclusions finales sur l'état des droits de l'homme en Algérie.