Quelque 19.000 personnes se trouvent actuellement en détention préventive. Farouk Ksentini est un homme malheureux. Lui qui détient, en théorie, toutes les clés du système judiciaire n'arrive pas encore à admettre que 19.000 personnes, soit la moitié des 38.000 détenus, chiffres donnés par le ministère de la Justice, se trouvent, à ce jour, sous le coup de la détention provisoire. Trop, c'est trop! Les prisons sont pleines, voire surchargées, à l'heure même où du côté officiel, l'on ne cesse de vanter l' «originalité» et l'«humanisme» de la nouvelle politique pénitentiaire. Intervenant jeudi dans une émission radiophonique de la Chaîne II de la Radio nationale, le président de l'organisme public des droits de l'homme (Cncppdh) a délivré tout un procès. Il a stigmatisé les juges d'instruction et les chambres d'accusation pour leur recours «systématique» et «abusif» à la détention préventive. Pire, c'est que cette mesure «exceptionnelle» non seulement elle n'est pas prise en compte mais que sur le terrain, cette loi est appliquée de façon inverse. Autrement dit, elle fait du présumé innocent un parfait coupable. Qui dit mieux! Ce n'est pas la première fois que le président de la Cncppdh tire la sonnette d'alarme. Il n'a cessé, depuis son installation à la tête de la commission, de militer pour la limitation et l'usage «exceptionnel» de cette mesure. Louable démarche qui bute cependant sur la réticence des magistrats qui ne sont pas, semble-t-il, emballés par cet appel, et Ksentini a bien l'air de prêcher dans le désert. Invité à faire son «état des lieux» des droits de l'homme en Algérie, Me Ksentini a remis sur table son sujet fétiche: les disparus. Là, l'avocat apprend que le nombre des 6146 disparus remis dans le document remis- sur les disparus- au chef de l'Etat en mars dernier, risque d'être revu à la baisse. Pourquoi? Parce que d'après lui, il existe de faux disparus qu'il faudrait identifier. Comment? «Les prochains textes d'application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale définiront strictement le statut des disparus sur la base de critères précis », précise-t-il. La commission qu'il préside, a réussi, à ce jour, à «débusquer» quelque sept faux disparus. «Mais qui n'ont aucun lien avec le terrorisme», s'est-il empressé de souligner. Finie donc cette période où a été enregistré le plus grand nombre de cas. Retour à la normale. L'épineux dossier objet d'une guerre politique sans merci entre la commission et les associations, est en voie, laisse-t-on entendre, de connaître son épilogue. «Lorsque les familles qui ont en majorité souscrit à la proposition de l'indemnisation (...) auront leurs droits», a-t-il observé. Me Ksentini s'est choisi par ailleurs pour autre cible l'administration mais il n'a pas été toutefois au fond de sa diatribe. Il s'est gardé de citer le nom du gouvernement, qu'il appelle à plus de considération vis-à-vis des «administrés». Plutôt optimiste, le juriste a fait une lecture positive de la situation des droits de l'homme. Des améliorations, il y en a à gogo. Son leitmotiv: «Aujourd'hui, les justiciables ne se plaignent pas des traitements qu'ils subissent dans les locaux de la police et de la Gendarmerie nationale comme cela était le cas dans le passé», a-t-il rappelé.