Rivalité franco-américaine sur le terrorisme au Sahel Les Etats-Unis viennent de signifier leur opposition à la force G5 Sahel téléguidée par la France. Tiraillé entre les Etats-Unis et la France, le théâtre sahélien, promet de nombreux rebondissements qui préfigurent d'un ordre stratégique nouveau. En attendant, les initiatives de lutte contre le terrorisme qui s'entrechoquent avec comme toile de fond évincer la puissance rivale et redéfinir la carte des influences et des ambitions dans la région. Par la voix de son porte-parole de langue française du département d'Etat, Brian Neubert, les Etats-Unis viennent de signifier leur opposition à la force G5 Sahel téléguidée par la France. «Si nous ne sommes pas opposés à cette initiative, c'est parce que nous considérons que ce n'est pas le temps de prendre ce chemin», a déclaré hier Brian Neubert qui a reconnu que la demande de la France d'octroyer un mandat du Conseil de sécurité à la force G5 Sahel «est un sujet un peu compliqué». Le responsable américain a ajouté que «pour l'administration actuelle, une mission de Casques bleus n'est pas la solution à tous les problèmes. Nous pouvons résoudre ce problème sans cette option». Pour autant, les Etats-Unis se sont engagés à soutenir dans un cadre bilatéral les efforts antiterroristes de cette force miliaire à hauteur de 60 millions de dollars. Le G5S est une initiative concrétisée en 2014 par la signature de l'acte de naissance de l'organisation par cinq chefs d'Etat dont celui de la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. La convention portant création de cette organisation a été signée à Nouakchott le 19 décembre 2014. Elle a été lancée officiellement, en juillet dernier, à Bamako au Mali, en présence du président français Emmanuel Macron. Opposant leur veto, les Américains proposent une autre initiative pour, disent-ils, renforcer leur principal programme au Sahel, «le partenariat transsaharien contre le terrorisme, dans la perspective de promouvoir la coopération sécuritaire avec les pays de la région», a indiqué, Brian Neubert. Créé en 2005 pour remplacer l'initiative Pan Sahel (PSI), ce programme sera l'un des sujets discutés à l'occasion de la réunion ministérielle américano-africaine sur le commerce, la sécurité et la gouvernance, qui s'est ouverte hier, à Washington et à laquelle prend part Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères. Le Trans-Sahara Counter Terrorism Partnership (Tsctp) est un programme inter-agences, incluant le département d'Etat, l'Agence américaine pour le développement international et le Pentagone. Outre les quatre pays sahéliens membres du PSI, le Tsctp inclut l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Burkina Faso, le Nigeria et le Sénégal. Voilà donc qui doit donner un nouveau rôle à l'Algérie exclue du G5S. Les Américains estiment que l'Algérie est leur allié le plus fiable dans la région. Pour eux, le «poids» de la l'Algérie dans la région lui permet de «résoudre les crises régionales» mais aussi lutter efficacement contre le terrorisme. «Pour la partie américaine, l'Algérie est l'allié le plus fiable dans la région et eu égard à son poids, son rôle et son influence», a déclaré l'ambassadeur d'Algérie à Washington, Madjid Bouguerra au terme de sa rencontre avec le secrétaire d'Etat adjoint pour le Proche-Orient, David Satterfield. «l'Algérie peut aider davantage à la résolution des crises régionales et à un renforcement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent», a ajouté Madjid Bouguerra. D'une pierre deux coups: par cette initiative, les Américains vont renforcer davantage leur présence militaire, mais aussi étendre leur champ d'action commercial. Si les Etats-Unis privilégient l'approche indirecte basée sur le renforcement de la coopération avec les pays de la région en matière de formation et de renseignement il n'en demeure pas moins que l'Afrique reste globalement un continent à prioriser pour l'administration américaine. «Ces pays constituent un marché pour nos produits et une destination pour nos investissements», a expliqué le responsable américain. Selon M. Neubert, la nouvelle administration maintient les mêmes objectifs en matière de coopération économique, mais avec des mécanismes et des méthodes différents. «L'accent sera désormais mis sur le secteur privé pour impulser cette coopération», a-t-il encore insisté Abordant le dossier libyen, le porte-parole de la Maison-Blanche a regretté que la crise dans ce pays maghrébin traîne en longueur.»Nous comprenons la déception des Libyens, c'est une tragédie, et même les partenaires qui travaillent sur la Libye comprennent qu'il y a une frustration profonde», a-t-il déclaré. Et d'ajouter: «Aux Etats-Unis, il y a une chose qui est essentielle: il faut que (le règlement de la crise) reste dans le cadre des Nations unies. C'est l'institution qui a le plus de crédibilité, cela ne veut pas dire qu'elle est infaillible, mais sans le cadre de l'ONU nous n'estimons pas que les choses puissent avancer.» «Nos partenaires en France ou d'autres parties doivent être créatifs dans la recherche d'une solution à la crise, mais on ne veut pas avoir trop d'efforts ou une concurrence entre solutions ()»,a-t-il poursuivi.