«Ma décision de démissionner est volontaire. Elle est motivée par ma préoccupation pour le bien-être du peuple du Zimbabwe et mon souhait de permettre une transition en douceur, pacifique et non violente qui assure la sécurité nationale, la paix et la stabilité», a écrit Mugabe... Contre toute attente, le président Robert Mugabe qui paraissait déterminé à résister à toutes les pressions tant de l'armée que du parti, refusant obstinément la solution «amiable» d'un départ «en souplesse» que lui offrait le chef d'état-major constamment à l'affût au siège de la présidence, a fini par jeter l'éponge. Excédé, isolé dans son olympe zimbabwéenne d'où il ne percevait plus depuis longtemps les critiques des courtisans vite devenus des procureurs bénévoles, il aura tenté de limiter les dégâts d'une fronde que son épouse, Grace Mugabe, a inconsidérément nourrie par ses nombreuses extravagances. Voilà donc le Zimbabwe aux portes d'une nouvelle ère qui scelle la fin de 37 ans de règne d'un Mugabe lâché par l'armée et la Zanu-PF, lui qui a conduit d'une main ferme les destinées de ce pays, jadis victime de l'apartheid quand il n'était que la Rhodésie, depuis son accession à l'indépendance en 1980. Hier, une page était tournée dans un pays économiquement sinistré et qui espère en quelque sorte exorciser de vieux démons. La liesse de la foule dans les rues de Harare avait quelque chose d'émouvant tant les attentes de la population sont immenses. L'armée a dû d'ailleurs appeler à la «retenue» et au «calme» comme si elle redoutait d'éventuels dérapages. Pourtant, le soulagement était unanime et le «camarade Bob» aura sans doute ressenti cette «incompréhensible» distanciation entre la rue, hier prête à l'encenser, et lui. Bon gré mal gré, Mugabe s'en va et le Zimbabwe aborde maintenant une période de transition qui voit son compagnon de lutte, Emmerson Mnangagwa, qu'il a démis de ses fonctions de vice-président voici trois semaines exactement et contraint à fuir, le 6 novembre exactement, en Afrique du Sud, lui succéder en qualité de président par intérim. Une formalité puisque M.Mnangagwa avait été, deux jours plus tôt, élu au poste de président de la Zanu-PF et désigné candidat unique du parti pour les futures élections présidentielles. Revenu d'exil, voici 10 jours à peine, M.Mnangagwa qui est très proche de l'armée et du chef d'état-major Constentin Chiwenga a prêté serment aussitôt après l'annonce de la démission de Robert Mugabe «en tant que président pour une période de 90 jours». C'est en tout cas ce qu'a indiqué le porte-parole de la Zanu-PF, Simon Khaya-Moyo qui a précisé que la nomination serait officialisée hier par le président du Parlement. Il faut dire que ce dernier, sollicité par le parti, s'apprêtait à prononcer la destitution du chef de l'Etat et c'est ce qui a certainement contraint Robert Mugabe à accepter la démission, la mort dans l'âme, répondant à la volonté populaire. Le nouveau président par intérim est un vieux compagnon de la lutte pour l'indépendance de Robert Mugabe. C'est aussi un cacique du régime, surnommé par les Zimbabwéens «le crocodile» pour avoir mené de main de fer plusieurs vagues de répression durant quatre décennies. Il aura du pain sur la planche pour remettre sur rail un pays où plus de la moitié de la population vit dans une misère profonde et, déjà, l'opposition se mobilise pour lui réclamer des négociations immédiates afin de démocratiser le régime. Surtout, la tâche primordiale va consister à sortir le Zimbabwe de son isolement tout en menant en parallèle les réformes économiques et politiques que rendent incontournables les relations internationales. «Ma décision de démissionner est volontaire. Elle est motivée par ma préoccupation pour le bien-être du peuple du Zimbabwe et mon souhait de permettre une transition en douceur, pacifique et non violente qui assure la sécurité nationale, la paix et la stabilité», a écrit le chef de l'Etat démissionnaire dans un message qui résonne comme un testament et le gage ultime de son attachement à ce peuple. Mais c'est aussi une feuille de route à l'adresse de son successeur qui devra en tenir compte dans la manière de gérer les affaires d'un pays dont la plus grande soif est bien celle du changement.