Le général de Gaulle qui a de tout temps cru que les dirigeants du FLN et de l'ALN ne représentaient pas le peuple a eu à vérifier de lui-même la réponse ce jour-là. Après la date du 1er Novembre 1954, celle du 11 Décembre 1960 est sans doute la date qui a changé le plus le destin des Algériens. En effet, c'est cette dernière qui a fait parler le mieux de la cause algérienne à l'ONU et convaincu les membres siégeant au sein de cette instance de la justesse de la cause algérienne. Invités hier au forum de la mémoire du journal El Moudjahid, maître Fatma Ben Brahem et l'historien Lahcène Zeghidi sont longuement revenus sur la portée de cette date. Convoquant l'histoire, Fatma Ben Brahem a dit que la date du 11 Décembre s'est imposée d'elle-même. «Les manifestations qui avaient eu lieu ce jour-là ont été provoquées par, à la fois, le discours du général de Gaulle tenu le 4 novembre de la même année et la réaction des Européens vivant en Algérie qui, dans une manifestation organisé le 5 du même mois, ont dénoncé le fait que De Gaulle a utilisé la notion de l'Algérie algérienne», a-t-elle fait savoir, précisant que les manifestants européens s'en sont pris violemment aux Algériens ce jour-là. «Dans le discours du 4 novembre le général de Gaulle a qualifié les dirigeants du FLN et de l'ALN de rebelles», a ajouté Fatma Benbrahem. De Gaulle qui est un fin diplomate a usé de ce discours, dira la conférencière, afin de tester à la fois l'opinion des Européens vivant en Algérie et l'opinion des Algériens autochtones. «Les Algériens qui suivaient l'actualité dans le monde, ont profité de la visite du général de Gaulle en Algérie les 9, 10 et 11 décembre 1960 pour exprimer leur opinion quant à son discours du 4 novembre», fera-t-elle remarquer. Ainsi et après sa visite dans les wilayas de Aïn Témouchent et Oran, le général de Gaulle fut accueilli avec des manifestations sans précédent dans les rues d'Alger le 11 décembre. «Le général de Gaulle qui s'est fait accompagné d'une délégation importante de journalistes s'est fait prendre au piège», soulignera Fatma Ben Brahem. «En effet, De Gaulle qui a voulu faire parler de son accueil en Algérie pour le monde à une semaine de la tenue de la réunion des Nations unies sur la cause algérienne, a eu l'effet inverse. «Les journalistes qui devaient parler de cet accueil furent intéressés par les manifestations gigantesques qui avaient eu lieu ce jour-là », a rappelé la conférencière, indiquant que les Unes de la presse mondiale ont ouvert sur ces manifestations. «La couverture de ces manifestations a sensibilisé davantage les Etats siégeant aux Nations unies quant à la justesse de la cause des Algériens. Mieux encore, la couverture de ces manifestations a poussé les représentants de ces Etats à adopter les 14 et 15 décembre 1960 la Charte portant droit des peuples sous la colonisation à l'autodétermination», rapporte-t-elle avec émotion. «L'adoption de cette charte à l'unanimité par les Etats membres de l'ONU a mis De Gaulle dans la gêne et poussé ce dernier à accepter une année après les négociations avec les dirigeants du FLN à Evian », a-t-elle conclu. Cédant la parole à l'historien Lahcène Zeghidi, ce dernier a abondé dans le même sens, en ajoutant que les manifestations du 11 Décembre 1960 ont fait tomber le masque par rapport à la politique de la France et les mensonges de cette dernière quant au calme qui règnait en Algérie et aux écarts séparant les dirigeants du FLN et de l'ALN du peuple. «En manifestant ainsi, les Algériens ont dit haut et fort au monde entier que nous ne voulons pas de la France et que l'Algérie appartient aux Algériens seuls», a souligné Lahcène Zeghidi. Pour ce dernier, le peuple algérien ne sera jamais assez remercié par les peuples des pays qui ont recouvré leur indépendance après l'adoption de la Charte internationale stipulant le droit des peuples sous colonisation à l'autodétermination. Lahcène Zeghidi qui a déploré les morts qui ont été enregistrés le 11 décembre, a tenu à remercier les pays et les dirigeants ayant soutenu la cause algérienne aux Nations unies. «L'ex-président américain Kenney s'est battu pour le triomphe de l'indépendance et la liberté en Algérie. De même pour les pays de l'Union soviétique», rappelle-t-il. Ainsi les manifestations du 11 Décembre étaient pour Fatma Ben Brahem et Lahcène Zeghidi, l'évènement qui a donné lieu à l'internationalisation, de la cause algérienne et fait parler de sa justesse.