«Le Parti socialiste français va engager une vaste campagne contre la loi scélérate.» Cette déclaration nous a été faite par Amar Saïdani après l'entrevue qu'il a eue hier avec la vice-présidente de l'Assemblée nationale française, Hélène Mignon également membre du Parti socialiste français. Cette dernière est venue à la tête d'une délégation reçue à l'hémicycle Zighoud-Youcef. Les deux parties française et algérienne ont évoqué «les relations historiques entre les deux pays, procédé à un échange de vues sur les relations bilatérales privilégiées aux plans politique, économique et culturel et ont convenu de les hisser à un niveau plus élevé» nous a-t-on indiqué. L'entrevue a porté également sur «les relations bilatérales au plan parlementaire et la nécessité d'oeuvrer en faveur d'un partenariat et d'une coopération exemplaire». Le président de l'APN nous a révélé que la loi sur les rapatriés français glorifiant le colonialisme votée par le parlement de l'Hexagone le 23 février dernier et qui a soulevé un véritable tollé, a pris un pan non négligeable des discussions entre les deux parlementaires qui ont abouti à un consensus sur la nécessité d'abroger cette loi, notamment l'article 4. «Mme Hélène Mignon nous a affirmé qu'elle était outrée par cette loi et que son parti engagera une vaste campagne pour son abrogation, notamment l'article incriminé qui glorifie l'acte colonial et son incidence civilisatrice sur les peuples colonisés. Nous allons tenir une correspondance épistolaire entre nos deux parlements concernant cette question. Les députés socialistes comptent engager un forcing pour l'abrogation de la loi.» Il convient de rappeler que le FLN avait été le premier à dénoncer la loi, suivi des autres partis composant l'Alliance présidentielle, en l'occurrence le RND et le MSP. Des organisations ont été également de la partie, à l'exemple de l'Onec (Organisation nationale des enfants de chouhada) ainsi que l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM). Quant au Parlement algérien, il a exigé tout bonnement des excuses publiques de l'Elysée . Il a jugé que «la France doit reconnaître au peuple algérien les injustices qu'il a subies durant la période coloniale en lui présentant des excuses publiques», estimant que cette loi «heurte la conscience et les sentiments du peuple algérien et son attachement à la justice». Et d'ajouter: «Les parlementaires algériens assurent que le colonialisme ne saurait être fier d'aucun rôle positif car ce qu'il a réalisé n'est, en fait, qu'un anéantissement de l'identité algérienne». A noter la grande mobilisation de la société civile française qui s'est démarquée de cette loi. Celle-ci risque de retarder la signature du traité d'amitié prévu pour la fin décembre. Le président de la République Bouteflika, le 5 juillet dernier, devant les anciens combattants de l'ALN, avait déclaré avec véhémence que «cette loi était loin d'être innocente». Outre la société civile française, les parlementaires ont été nombreux à dénoncer la loi et qui ont exprimé leur indignation dans des questions écrites au gouvernement. Citons le sénateur du Parti communiste français (PCF) du Rhône et non moins vice-président du Sénat, Guy Fischer, qui a indiqué que son groupe préparait une proposition de loi visant à supprimer l'article contesté et à «interdire toute apologie des crimes de l'OAS». La Fondation Charles de Gaulle, a condamné l'érection de la stèle au cimetière de Marignane à la gloire des combattants morts pour que vive l'Algérie française, estimant qu'un «tel geste, s'il était accompli, serait non seulement une offense au général de Gaulle, président de la République, lui-même cible des assassins de l'OAS, mais aussi une atteinte à la République». Plusieurs associations et syndicats français, dont la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples, la Fédération des syndicats unitaires (FSU), l'association des amis de Max Marchand et de ses compagnons, ainsi que le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Michel Vauzelle, le collectif des historiens contre la loi du 23 février 2005 et plusieurs organisations syndicales ont condamné cette initiative l'assimilant à «une démarche qui ne vise rien d'autre qu'à semer des germes de haine et de division dans une région où le Front national reste l'inspiration raciste, xénophobe et antirépublicaine». Le ministre d'Etat Abdelaziz Belkhadem avait déclaré il y a quelques jours que la France doit se démarquer de cette loi. Le chef de l'Etat français Chirac est mis devant le fait accompli, il ne lui reste plus qu'à accéder à la demande des voix indignées et à s'exprimer officiellement en faveur de son abrogation pour que cessent les surenchères des nostalgiques de l'Algérie française.