L'APN et le Sénat attendent une convocation de Bouteflika afin d'adopter une motion attendue par tous. Le président de la République s'est envolé, hier, pour Abuja en compagnie d'Amar Saïdani, président de l'APN. Ce dernier a été appelé in extremis pour faire partie de la délégation officielle, selon certaines sources du FLN. Les deux hommes devront aborder le sujet brûlant de l'actualité concernant la fameuse motion qui devra être adoptée conjointement par l'APN et le Sénat. Le document devrait exprimer la position du Parlement bicaméral algérien par rapport à la loi sur les rapatriés français, votée le 23 février dernier, et qui glorifie, selon la déclaration du FLN, «l'acte colonial». Selon toute vraisemblance, et à en croire les spéculations et les supputations qui alimentent les coulisses de l'hémicycle de Zighout-Youcef, on attend la convocation par le président Bouteflika du Parlement pour diriger la réunion. Initialement prévue pour ce mercredi, tout porte à croire qu'elle serait reportée pour la semaine prochaine, en attendant que le travail de coordination entre Amar Saïdani et Abdelkader Bensalah soit achevé. Le fait que les présidents des groupes parlementaires n'aient pas encore été prévenus concourt à accréditer cette thèse. Dans tous les cas de figure, il ne fait aucun doute que la rencontre aura lieu avant le 2 juillet prochain, date de clôture de la session de printemps du Parlement algérien. Toujours est-il que le staff dirigeant du FLN se réunira mardi, et cette question sera au coeur des discussions entre les responsables. Ces derniers pensent qu'il est temps d'accélérer l'opération, d'autant plus que cette loi risque d'entraîner des effets négatifs sur, d'un côté, les relations bilatérales entre l'Algérie et la France, et d'un autre côté, saper le travail entrepris par Bouteflika, qui s'est échiné, depuis son premier mandat, à redorer le blason de l'Algérie en la mettant sur l'orbite internationale. La campagne menée par le FLN qui a été le premier parti à donner l'impulsion à la machine de protestation, compte, à travers les actions qu'il mène auprès des organisations et récemment au sein de l'Alliance avec laquelle il a fait cause commune, faire pression sur les autorités nationales pour qu'elles réagissent, prennent leurs responsabilités en politisant le problème. Il s'agit également, selon Saïd Bouhadja, un membre du secrétariat exécutif, d'alerter l'opinion publique française sur les dangers que peut engendrer cette loi scélérate sur les relations entre les deux peuples algérien et français qui aspirent à vivre en paix. Pour notre interlocuteur, «cette loi ne peut qu'empoisonner les relations entre les deux peuples et ralentir le processus de refondation qui a pourtant bien démarré et consolidé par ce qu'on a appelé communément le partenariat d'exception». Ce message a été clairement transmis à l'ambassadeur de France, reçu à sa demande par les responsables du FLN. L'entretien qui a duré, nous dit-on, deux longues heures a porté sur la loi du 23 février et sur ses effets néfastes sur les relations futures entre les deux pays. Il faut signaler que sans l'approbation du FLN qui constitue la première force du pays, il est difficile de parier sur une consolidation des relations avec l'Hexagone à qui il est demandé de revoir ses cartes. Cette position inconfortable risque de reporter la signature du traité d'amitié prévue par la fin de l'année en cours. Il a été clairement signifié au diplomate français que la loi sur les rapatriés français constitue une entrave aux bonnes relations entre les deux pays et que le traité d'amitié ne peut être paraphé que quand les conditions seront toutes réunies. La pression ainsi exercée sur les autorités des deux rives peut conclure, et c'est ce qu'espèrent aussi bien la société civile algérienne que celle de l'Hexagone, notamment les organisations de défense des droits de l'homme ainsi que les intellectuels. La réunion, tant attendue, des parlementaires permettra de dégager une résolution dont sera destinataire le Parlement français. On espère que ce sera le président de la République lui-même qui convoquera les deux chambres, ce qui logiquement donnera du poids à la résolution sachant pertinemment que si c'est le président lui-même qui intervient dans pareille démarche, cela pourrait donner encore plus de crédit au FLN et le conforterait dans ses positions d'autant plus qu'il en est le président honorifique et organique. L'Algérie ne peut négocier dans une position forte et souveraine si son vis-à-vis la traite avec dénigrement et mépris. Reste qu'on mise sur le parti de Belkhadem et sur l'implication de la société civile et l'opinion publique incarnée par les intellectuels et les médias pour mettre un terme à ces dérives qui, selon Saïd Bouhadja, «attisent les rancoeurs et réveillent les vieux démons. C'est au peuple français d'intervenir et de réagir contre cette loi dont on ne mesure pas apparemment la nuisance qu'elle peut causer au peuple algérien. Nous craignons, a-t-il déclaré, qu'elle n'ouvre la voie à toutes sortes de dépassements. Aujourd'hui, on parle de stèle à la mémoire des combattants morts pour l'Algérie française, on ne sait pas ce qu'il en sera demain. Le fait que Chirac ait enlevé la médaille d'honneur à Aussaresse ne peut être interprété comme un geste de bonne volonté car il n'a rien à voir avec la loi que nous récusons et réfutons en bloc».